Hémofiltration


En dehors du cadre encore mal limité des indications de l’HFC pour réaliser l’épuration de molécules de poids moléculaire moyen ou élevé, le choix de l’HFC par rapport à celui de l’HDI reste basé sur sa meilleure tolérance cardiovasculaire. Il reste cependant évident, et jusqu’à preuve du contraire, qu’une séance d’HDI bien supportée au plan hémodynamique n’a pas de raison d’être remplacée par une méthode continue. Au sein des méthodes d’HFC, le malade, sa pathologie et son état hémodynamique devraient orienter vers le choix d’une technique. La CAVH a perdu beaucoup de ses indications lorsque le matériel de CVVH s’est répandu dans les services de réanimation. Lorsqu’un retard est pris dans l’épuration du malade et au-delà de 40 à 50 mmol·L-1 d’urémie, la CVVHD reste la technique d’HFC de choix. L’efficacité de la CAVH étant subordonnée à l’existence d’une bonne pression artérielle, il est paradoxal de la proposer à des malades pouvant être hémodialysés.
Par ailleurs, l’HFC reste une technique possible et bien tolérée lorsque la dialyse péritonéale est impossible (chirurgie abdominale, prothèses et drains intra-abdominaux, insuffisance respiratoireimportante…). En pratique, le choix d’une méthode d’épuration extrarénale dépend souvent des moyens disponibles. L’habitude et la connaissance d’une technique sont également déterminantes.
Dix points importants.– Hémodialyse et hémofiltration diffèrent par leur principe physique qui sont respectivement la diffusion et la convection.
– Bien que pouvant être réalisée en utilisant le gradient de pression hydrostatique artérioveineux, l’hémofiltration est préférentiellement mise en oeuvre à l’aide d’un système de pompe sur un circuit veinoveineux. – L’hémofiltration, contrairement à l’HD, est réalisée de façon continue en raison de sa moindre efficacité. En revanche, sa tolérance hémodynamique semble meilleure. – L’élimination de quantités importantes d’eau et d’électrolytes plasmatiques en hémofiltration impose une compensation mesurée. Celle-ci doit être administrée à l’aide d’un dispositif asservi et contrôlé par la machine d’hémofiltration. – Le principal risque des techniques d’HFC est l’induction d’une hypovolémie favorisant l’évolution de l’IRA. Une surveillance hémodynamique continue ainsi que la réalisation d’un bilan hydrique précis permettent de s’en prémunir. – Un autre risque important de ces techniques repose sur leur efficacité à modifier la composition hydroélectrolytique du milieu intérieur. La correction des troubles hydroélectrolytiques doit rester lente en dépit de la possibilité de le faire rapidement que confèrent ces techniques. – Le choix du site d’abord vasculaire ainsi que celui des cathéters sont essentiels à la réussite d’une HFC. De fréquents incidentsthrombotiques sont attribuables à des anomalies de circulation du sang dans les lignes. – Les techniques d’HFC sont très exigeantes en matière de qualité du traitement antithrombotique. L’héparine administrée en continu reste la méthode de référence mais de nombreux autres protocoles ont été proposés. Le citrate est la méthode de choix chez les patients à haut risque hémorragique. – L’hémodiafiltration associe un transport diffusif au transport convectif de l’hémofiltration. Elle améliore ainsi ses performances en matière d’épuration de petites molécules (que représentent urée et créatinine). – Il n’existe pas à ce jour de preuve formelle justifiant l’utilisation d’une technique d’épuration convective en dehors de l’insuffisance rénale. Les études prometteuses sur les états septiques sévères utilisent de très hauts débits de convection, difficilement réalisables en pratique. |
Conclusion
Nous disposons à l’heure actuelle d’un éventail de méthodes qui permettent de prendre en charge les défaillances rénales de tous les types de patients de réanimation. Si de nouvelles techniques sont en cours d’élaboration, elles n’ont pas encore fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité. Leurs indications sont donc loin d’être posées. En attendant, la technique à laquelle l’équipe soignante est la mieux entraînée devrait toujours être favorisée car la performance des techniques d’épuration extrarénale tient sans doute davantage à la façon dont elles sont conduites qu’à leurs propriétés intrinsèques, expliquant ainsi à la fois la difficulté de les comparer et leur efficacité déjà appréciée chez des milliers de patients.
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