Blocs de la face réalisables
Tous les blocs nerveux de la face sont présentés selon un plan identique, c’est-à-dire : particularités anatomiques ; matériel ; procédure de ponction ; injection et volume ; territoire concerné ; résultats ; incidents et complications ; indications.
Un stylo feutre est toujours utilisé afin de matérialiser les repères anatomiques ou les repères de ponction.
Zone faciale supérieure
Bloc du nerf supraorbitaire (Fig. 6)
Dès sa sortie du foramen ou canal supraorbitaire, le nerf est le plus souvent constitué en deux groupes, un médial et un latéral [2] accompagné de son artère. Il prend une direction frontale ascendante pour innerver la zone frontale homolatérale (sauf la zone médiane au-dessus de la racine du nez). Le matériel utilisable est soit une aiguille intradermique (26 G, 16 mm) reliée à une seringue Luer-lock par un prolongateur, soit une aiguille à biseau court (24 G, 25 mm) de type neurostimulation.
Pour procéder à la ponction, l’opérateur se place face au patient. Le foramen supraorbitaire est repéré avec la pulpe du doigt ; il est marqué au feutre. Le point de ponction est en regard du rebord orbitaire osseux, classiquement à l’aplomb de la pupille centrée [7]. L’aiguille va rechercher le contact osseux (à moins de 10 mm le plus souvent) au bord du foramen, avec
une direction plutôt médiale [18]. Il faut absolument éviter la pénétration du foramen, à l’origine de lésions nerveuses [6, 7, 19].
Une approche par neurostimulation sensitive est possible : il faut alors rechercher des paresthésies rythmées par la fréquence du stimulateur sur le front. L’injection est très lente (et donc ainsi moins sensible), avec 2 à 2,5 ml de solution anesthésique, dans une direction médiale. Après le retrait de l’aiguille, un discret massage cutané favorise la diffusion du produit. Le territoire anesthésié concerne surtout la paupière supérieure dans sa quasi-totalité (excepté son angle interne et son extrémité latérale), le front jusqu’à la suture coronale. Tous les téguments jusqu’à l’os (table externe) sont anesthésiés. Le taux de réussite de ce bloc est très élevé. Il est simple de réalisation [7] et d’apprentissage rapide. Les incidents et les complications sont peu fréquents. La ponction cutanée et le contact osseux sont douloureux et une sédation peut être nécessaire. La ponction de l’artère supraorbitaire est exceptionnelle et signifie une ponction trop proche du nerf. Une ptose palpébrale momentanée peut se voir, par diffusion du produit vers le muscle releveur de la paupière. Cette parésie transitoire peut être gênante (surtout s’il y a un bloc bilatéral) chez un patient en ambulatoire. Des paresthésies séquellaires dans le territoire du nerf peuvent se voir en raison d’un oedème du nerf, étranglé dans son foramen, et dont l’origine est surtout traumatique. Il faut rejeter l’injection intracanalaire source de complications [2, 7]. Les principales indications en chirurgie sont représentées par tous les actes sur la paupière supérieure (associé à un bloc du nerf supratrochléaire) et au front. Dans le cadre de l’urgence, ce bloc est utile dans toutes les plaies multiples de la face en zone frontale et aux paupières supérieures. Les indications médicales concernent surtout l’analgésie postopératoire, par la réalisation d’un bloc de longue durée d’action (en relais d’une anesthésie générale). Ce bloc peut être utilisé aussi dans le traitement de certaines névralgies supraorbitaires.
Bloc du nerf supratrochléaire (Fig. 7)
Le nerf supratrochléaire sort par le foramen du même nom, et prend une direction supérieure et médiale pour innerver le front au-dessus du nez. Le matériel utilisable est soit une aiguille intradermique (26 G) reliée à une seringue Luer-lock par un prolongateur, soit une aiguille à biseau court de 25 mm type neurostimulation. Pour réaliser la ponction, l’opérateur est face au patient. Le point de ponction est situé à la jonction de deux lignes axiales : la première palpébrale supérieure et la seconde nasale. L’aiguille va rechercher le contact osseux, avec une direction plutôt médiale [2, 7, 18]. Une fois le contact osseux obtenu, on injecte la solution anesthésique. Il faut s’astreindre à un point de ponction superficiel près de la racine du nez pour éviter la blessure de la veine angulaire. L’injection est très lente, avec 1 à 1,5 ml de solution anesthésique, avec une direction médiale. Après le retrait de l’aiguille, un discret massage favorise la diffusion du produit. Le territoire anesthésié est la zone frontale médiale située au-dessus de la racine du nez, touchant tous les téguments jusqu’à l’os. Deux particularités sont à signaler : d’une part, le territoire va jusqu’à la suture coronale et, d’autre part, ce nerf innerve l’extrémité médiale de la paupière supérieure. Le taux de succès de ce bloc est très élevé et sa réalisation simple. On relève peu d’incidents avec ce bloc.
La ponction cutanée et le contact osseux sont sensibles : une sédation peut être nécessaire. Le seul incident est la ponction de la veine angulaire entraînant un hématome gênant l’acte opératoire [18]. Les principales indications en chirurgie sont les actes sur la paupière supérieure (associé à un bloc supraorbitaire) et les actes sur le front au-dessus de la racine du nez. En urgence, ce bloc est intéressant en cas de fracture du nez (en association avec le bloc nasal).
Bloc du nerf nasal ou ethmoïdal antérieur (Fig. 8)
Le nerf nasocilaire sort par le foramen ethmoïdal, dans la paroi supérieure et interne de l’orbite où il donne sa branche ciliaire et sa branche nasale qui nous intéresse ici. La réalisation du bloc est donc intraorbitaire, rejoignant ainsi les contraintes des blocs péribulbaires pour l’ophtalmologie. Après sa sortie orbitaire, le nerf donne le nerf infratrochléaire et le nerf ethmoïdal antérieur, que l’on appelle improprement nasal avec ses rameaux nasaux internes très proches à la racine du nez et le rameau nasal externe ou nasolobaire. Le matériel utilisé est soit une aiguille intradermique (26 G) reliée à une seringue Luer-lock par un prolongateur, soit une aiguille à biseau court de 25 mm type neurostimulation. Deux procédures de ponction existent.
La technique dite intraorbitaire, ancienne, est volontairement écartée pour plusieurs raisons [7, 20] :
– technique délicate, avec un taux d’échecs élevé ;
– de nombreux incidents et complications décrits : oedèmes palpébraux, diplopies transitoires ; parésie de l’orbiculaire et ptosis transitoire ; ecchymose au point de ponction contrôlée par une pression de l’angle interne de l’oeil ; hémorragie rétrobulbaire après un bloc nasal pour dacryorhinostomie [7].
Cependant, dans des mains expérimentées, la qualité de l’anesthésie est correcte et les complications rares pour des gestes simples [20]. Néanmoins, cette technique reste d’apprentissage ardu. Elle est actuellement délaissée pour la technique extraorbitaire.
La technique extraorbitaire est celle qu’il faut utiliser. Elle s’impose par son évidente simplicité [18], son innocuité et son efficacité [19], avec un rapport bénéfice-risque élevé. L’opérateur se place face au patient et trace deux points de ponction où se font les injections :
– un premier à la racine du nez, en regard de l’angle interne de l’oeil, suivi d’une infiltration, au plus près de l’os nasal, en piquant près de l’arête du nez en direction de la base de ce dernier ;
– un autre dans le sillon narinaire, avec une injection du dos du nez vers la limite joue-nez.
L’injection doit être particulièrement lente car un peu douloureuse : 1 ml sur le premier site et 1,5 ml de solution anesthésique sur le deuxième site. Après le retrait de l’aiguille, un discret massage favorise la diffusion du produit. Le territoire anesthésié intéresse l’os nasal, l’arête du nez, la partie latérale de la pointe du nez, le sillon nasolobaire. La racine du nez nécessite en plus un bloc du nerf supratrochléaire. Le taux de réussite de ces blocs, remarquables de simplicité par rapport à la technique intraorbitaire, est très élevé. Les incidents liés à la technique extraorbitaire sont quasi nuls, excepté la ponction cutanée et le contact osseux qui restent très sensibles : une sédation est recommandée. Les indications en chirurgie concernent tous les actes de chirurgie tégumentaire du nez (en association avec le bloc des nerfs infraorbitaire et supratrochléaire), les rhinoplasties (associé à une anesthésie générale).
En urgence, ces blocs sont efficaces dans le cadre d’une fracture du nez ou de plaies nasales. Ces blocs procurent par ailleurs une analgésie postopératoire de qualité dans la chirurgie nasale sous anesthésie générale.
“ Point fort
Toutes ces techniques de la zone faciale supérieure peuvent êtres employées isolément ou en association si l’on désire analgésier une zone plus large. |
Zone faciale moyenne
Bloc du nerf maxillaire par voie sus-zygomatique (Fig. 9)
Le nerf maxillaire, dont le trajet est presque toujours intraosseux, est accessible au foramen grand rond. Là, le blocage des branches terminales réalise un bloc maxillaire complet. Le matériel utilisé est une aiguille à biseau court de 50 mm (22 G) de type neurostimulation et un neurostimulateur permettant d’allonger la durée de la stimulation pour obtenir au moins 0,3 ms. Pour procéder à la ponction, l’opérateur est du côté de la ponction et le patient doit avoir la tête tournée du côté opposé au bloc. Deux approches sont possibles.
Dans l’approche classique, le point de ponction est situé à la jonction de deux lignes osseuses : une verticale, la paroi osseuse orbitaire latérale, et une autre horizontale, l’arcade zygomatique [6]. C’est dans cet angle osseux qu’est introduite l’aiguille [7].
Celle-ci est dirigée perpendiculairement au plan cutané jusqu’au contact osseux (environ 10 à 15 mm). Là, on trouve le muscle temporal. Après un léger retrait de 5 mm, on bascule l’aiguille selon un axe caudal et médial en visant la commissure labiale du même côté. Dans cet espace, la pénétration est très facile et sans risques ; il faut alors avancer de 20 mm pour obtenir une pénétration totale de l’aiguille d’environ 30 à 35 mm. L’injection est réalisée à ce niveau.
Une approche avec neurostimulation sensitive peut être proposée. Le point de ponction est identique, la procédure similaire. Un neurostimulateur est utilisé, avec une durée de stimulation de 0,3 ms. La participation du patient est essentielle et l’information aura été faite au cours de la consultation d’anesthésie. Il faut rechercher une réponse à type de dysesthésies rythmées par la fréquence du stimulateur, dans le territoire choisi ou au centre du territoire chirurgical prévu. En regard de la fosse ptérygomaxillaire, à la sortie du foramen rond, le nerf maxillaire donne ses branches terminales sous la forme d’un bouquet nerveux divergent. L’aiguille va se positionner près de l’une de ses branches, rechercher la réponse spécifique à cette racine nerveuse et orienter l’injection. Pour un bloc complet, il faut une réponse centrale, c’est-à-dire alvéolaire supérieure (dysesthésies sur les dents) ou infraorbitaire (dysesthésies sur la lèvre supérieure) (Fig. 10). Dès le début de l’injection, les dysesthésies disparaissent immédiatement, confirmant la bonne position de l’aiguille à proximité du nerf.
On injecte très lentement 0,1 ml.kg–1 de solution anesthésique.
Lorsque le bloc est complet, on obtient l’anesthésie des territoires suivants : en superficie, la paupière inférieure, l’aile du nez, la joue, la lèvre supérieure, la zone cutanée zygomatique et temporale ; en profondeur, les dents supérieures, le palais, l’os maxillaire. L’anesthésie est réalisée des téguments jusqu’à l’os.
Le taux de réussite est supérieur à 80 % pour un bloc complet et une technique classique [21]. Cependant, le recours à la stimulation sensitive permet d’augmenter le taux de succès (supérieur à 95 % dans notre expérience personnelle). Enfin, un défaut dans un territoire peut être corrigé grâce à des blocs tronculaires des branches distales du nerf maxillaire (nerf infraorbitaire, nerf zygomatique, nerf palatin).
Ce bloc est paradoxalement très peu douloureux lors de sa réalisation : une sédation peut être nécessaire cependant, sauf en cas de stimulation. Peu de complications sont décrites. Dans une série [21] de 58 blocs en chirurgie maxillaire, il est recensé huit complications, essentiellement des céphalées, des paralysies faciales régressives, une limitation d’ouverture de bouche et un hématome. La stimulation permet certainement de réduire la fréquence des complications, mais ceci reste à valider sur de grandes séries.
Les indications en chirurgie concernent les actes sur la paupière inférieure, le nez (avec le nerf nasal), la joue, la région zygomatique, la lèvre inférieure. En intrabuccal sont intéressés la chirurgie dentaire supérieure et les actes sur la zone palatine.
Enfin, la chirurgie maxillaire osseuse peut bénéficier largement de ce bloc, souvent en complément d’une anesthésie générale [22, 23]. En urgence, ce bloc est très intéressant pour la chirurgie du maxillaire et des plaies de la face. L’analgésie postopératoireest une indication privilégiée, surtout après chirurgie osseuse sur le maxillaire (sinus) ou après chirurgie des tumeurs de la face. L’emploi d’anesthésiques de longue durée d’action est alors recommandé. Une indication qui commence à émerger est le traitement d’une douleur de la zone maxillaire, rebelle aux autres antalgiques. On peut réaliser alors soit un bloc de longue durée, soit poser un cathéter périnerveux avec des injections discontinues de ropivacaïne à 0,2 % (cf. infra). Un bloc maxillaire sus-zygomatique guidé par scanner a été décrit dans le traitement des névralgies trigéminales [24].
Une voie d’abord sous-zygomatique a été décrite [6, 7, 25], mais elle est plus difficile de réalisation, et expose au risque de brèche vasculaire et à des complications certes rares, mais graves [7]. En cas de bloc maxillaire incomplet, on peut tout à fait réaliser un bloc complémentaire du nerf infraorbitaire ou du nerf zygomatique, qui est une branche cutanée du nerf maxillaire, divisée en nerf zygomaticotemporal et nerf zygomaticofacial [9, 18]. Ce dernier peut être infiltré par une injection sous-cutanée en regard de l’union des deux axes osseux, un vertical (orbitaire latéral), l’autre horizontal (zygomatique), avec 1,5 ml de solution anesthésiante [18].
Bloc du nerf infraorbitaire (Fig. 11)
Le nerf infraorbitaire sort par le foramen infraorbitaire situé 4 à 7 mm au-dessous du rebord osseux infraorbitaire [18]. Avant sa sortie de l’os maxillaire, il donne le nerf alvéolaire supérieur antérieur. Il se présente sous la forme d’un plexus nerveux [18] accompagné de son artère, et donne là ses branches terminales.
Pour sa réalisation, on peut utiliser soit une aiguille intradermique (26 G) reliée à une seringue Luer-lock par un prolongateur, soit une aiguille à biseau court de 25 mm de type neurostimulation.
La procédure de ponction débute par le repérage du foramen infraorbitaire avec le doigt et son marquage au feutre.
Le point de ponction se fait au bord latéral du trou, en essayant de ne pas blesser les branches nerveuses, classiquement à l’aplomb de la pupille centrée [7]. L’aiguille va rechercher le contact osseux (à moins de 10 mm le plus souvent) au bord du trou, avec une direction plutôt céphalique et médiale. Il faut absolument éviter la pénétration du foramen, cause de lésions nerveuses [19] : cela est possible en palpant le trou en permanence [6] avec le doigt. L’axe du trou regarde vers l’aile du nez, aussi vaut-il mieux piquer avec une aiguille dirigée vers la racine du nez.
Une autre approche consiste à introduire l’aiguille en regard de l’aile du nez, et à prendre ensuite une direction céphalique et latérale [6, 7, 18]. Une neurostimulation sensitive est possible : on recherche alors des paresthésies de la lèvre supérieure ou de l’aile du nez. L’injection est très lente, avec 2,5 à 3 ml de solution anesthésique, dans une direction médiale (ou latérale dans l’autre approche). Après le retrait de l’aiguille, un discret massage favorise la diffusion du produit.
Le territoire anesthésié concerne essentiellement la paupière inférieure, la joue, la lèvre supérieure, l’aile du nez, et ceci des téguments jusqu’à l’os. Le taux de succès du bloc infraorbitaire est proche de 100 % pour certains auteurs [18]. C’est un bloc superficiel aisément accessible, très utilisé par les habitués des blocs de la face. La stimulation sensitive ne reste, à ce niveau, qu’occasionnelle ou pédagogique. Parmi les incidents, il faut noter que la ponction cutanée et le contact osseux sont sensibles : une sédation peut être nécessaire. La ponction de l’artère infraorbitaire est exceptionnelle et signifierait une ponction trop proche des branches nerveuses. Il ne faut pas réaliser d’injection intracanalaire, source de complications [6, 7, 18]. Les complications décrites sont surtout des paresthésies séquellaires dues à un oedème du nerf qui est alors comprimé dans son foramen.
Cette complication est essentiellement d’origine traumatique [7].
Il a été rapporté aussi une paralysie transitoire des muscles extrinsèques du globe oculaire par passage orbitaire des anesthésiques locaux [2]. Les indications en chirurgie concernent tous les actes sur la paupière inférieure, la lèvre supérieure, la joue, le nez (avec le nerf nasal et le nerf supratrochléaire). En urgence, ce bloc peut facilement être utilisé pour les plaies multiples de la face dans la zone maxillaire. Il existe aussi des indications d’ordre analgésique, soit pour l’analgésie postopératoire, soit pour traiter certaines névralgies infraorbitaires.
Le nerf infraorbitaire peut être abordé par d’autres voies [6, 7] :
– une voie endobuccale, délaissée car malaisée et plus sensible avec le risque de dysesthésies par injection intracanalaire ;
– une voie sous-nasale près de l’aile du nez, dans le sillon nasolabial, mais le bloc est incomplet et ne concerne que les branches nasales et labiales [6].
“ Point fort
En zone faciale moyenne, un bloc réalisé à l’origine du nerf maxillaire procure une anesthésie le plus souvent complète. Des blocs périphériques sont possibles seuls ou en complément d’un bloc maxillaire déficient. |
Zone faciale inférieure
Bloc du nerf mandibulaire (Fig. 12)
Le nerf mandibulaire est accessible au foramen ovale. Là, il donne deux gros contingents, un antérieur et médial à destination quasiment exclusivement motrice, et un postérieur et latéral à destination sensitive. Un abord dans cette localisation réalise un blocage mandibulaire complet. Le matériel comprend une aiguille à biseau court de 50 mm type neurostimulation et un neurostimulateur. Il existe deux procédures d’approche, sans ou avec stimulation. Dans la technique classique sans stimulation, le point de ponction est situé dans une zone semicirconférentielle barrée en haut par l’arcade zygomatique, et comprise entre l’apophyse coronoïde et le processus condylien.
L’aiguille est dirigée perpendiculairement au plan cutané et va buter sur l’apophyse ptérygoïde [7, 21] à environ 20-30 mm de profondeur. Puis, l’aiguille est de nouveau dirigée en haut et en arrière pour venir sous le trou ovale à environ 30-40 mm de profondeur, où est faite l’injection. Ce bloc est relativement facile, mais il existe un taux d’échec non négligeable [7], parfois proche de 10 % [21]. D’autre part, la présence dans cette zone de l’artère maxillaire et la pénétration un peu à l’aveugle exposent au risque de ponction vasculaire [7, 21].
Dans la technique avec stimulation, le point de ponction est identique et la procédure similaire dans sa première séquence.
Un neurostimulateur est utilisé, la durée de stimulation choisie est de 0,1 ms. Cette technique simplifie grandement l’abord du nerf mandibulaire. En effet, la succession des gestes est très claire.
Il faut d’abord piquer le plus haut possible dans l’espace semicirconférentiel tracé au feutre, entre la coronoïde en avant, le col mandibulaire en arrière et l’arcade zygomatique en haut (un moyen simple facilite le repérage : juste devant le tragus, cet espace admet la pulpe du doigt de l’opérateur ; il suffit alors de tracer un demi-cercle autour de la pulpe du doigt). Il est fondamental de rester en haut de cet espace, pour éviter une ponction artérielle, et de s’orienter plutôt en avant vers la coronoïde, à la recherche du contingent moteur.
On avance l’aiguille, guidé par la recherche d’une réponse motrice qui est l’ascension de la mandibule rythmée par le stimulateur. On détermine l’intensité minimale de stimulation et on injecte lentement la solution anesthésique à la recherche d’une disparition immédiate des mouvements dès le premier millilitre.
Bien qu’il n’existe pas actuellement de séries publiées, le bloc mandibulaire réalisé en neurostimulation représente la technique la plus efficace et la plus sûre. Dans notre expérience sur 100 blocs réalisés en stimulation, nous n’avons noté pratiquement aucun échec, excepté la nécessité dans 5 % des cas d’un complément sur le nerf mentonnier. Nous n’avons observé aucune complication sérieuse hormis deux diffusions au nerf facial spontanément résolutives. L’injection est très lente, avec 0,10 à 0,15 ml.kg–1 de solution d’anesthésique local. Lorsque le territoire du nerf mandibulaire est bloqué en totalité, plusieurs zones sont anesthésiées. En superficie, il s’agit de la lèvre inférieure, de la zone cutanée mandibulaire et temporale latérale (excepté la zone de l’angle de la mâchoire, sous la dépendance du plexus cervical superficiel), du menton, du pavillon de l’oreille dans sa zone antérieure. En profondeur, il s’agit des dents inférieures, des deux tiers antérieurs de la langue, de l’os mandibulaire. Cette anesthésie va des téguments jusqu’à l’os. Pour un bloc mandibulaire complet avec une technique classique, le taux de réussite reste, dans les centres habitués à ce geste, supérieur à 80 %. Dans la série citée, on note 91 % de réussite [21]. Le recours à la stimulation permet un taux de succès plus élevé (supérieur à 95 %) et simplifie le geste.
Enfin, un défaut dans un territoire nerveux peut être corrigé par des blocs tronculaires des branches distales du nerf mandibulaire (nerf mentonnier, nerf auriculotemporal, nerf alvéolaire inférieur).
Quelques incidents sont à noter : ce bloc est un peu douloureux et une sédation peut être nécessaire ; il a été observé des difficultés d’ouverture de bouche, des paralysies faciales régressives, des nausées, une céphalée et un hématome, ce qui représente environ 20 % d’incidents [21]. La neurostimulation semble réduire le risque de complications. Les indications en chirurgie concernent tous les actes sur la lèvre inférieure, la zone cutanée mandibulaire et temporale, ainsi que le menton.
Le bloc mandibulaire est particulièrement indiqué dans la chirurgie dentaire inférieure, et aussi pour la chirurgie osseuse mandibulaire. En urgence, le bloc mandibulaire est indiqué en présence d’une fracture de la mandibule, d’une plaie de la langue, de plaies superficielles. Les indications de type analgésique concernent :
– soit l’analgésie postopératoire, après chirurgie osseuse, tégumentaire (tumeurs cutanées) ou linguale ;
– soit l’analgésie en présence de douleurs rebelles aux autres antalgiques.
Une analgésie continue peut être proposée pour le nerf mandibulaire. Un cathéter périnerveux mandibulaire peut être utilisé avec des injections discontinues de ropivacaïne 0,2 % (cf. infra). La mise en place de ce cathéter suit une procédure identique à celle du bloc mandibulaire.
Bloc du nerf auriculotemporal (Fig. 13)
Le nerf auriculotemporal, branche terminale superficielle du nerf mandibulaire, passe devant le lobe de l’oreille pour se distribuer à la zone temporale. Le matériel nécessaire est soit une aiguille intradermique (26 G) reliée à une seringue Luerlock par un prolongateur, soit une aiguille à biseau court de 25 mm de type neurostimulation. Le point de ponction se fait en avant du tragus à 15 mm. L’aiguille pénètre à 10 mmmédialement de ce point, et se dirige horizontalement vers le tragus ; l’injection est faite juste devant celui-ci. L’injection de 1 à 2 ml de solution anesthésique doit être très lente, dans une direction latérale. Après le retrait de l’aiguille, un discret massage favorise la diffusion du produit. Le territoire concerné par ce bloc comprend le pavillon de l’oreille dans sa zone antérieure, le conduit auditif externe et la zone temporale au-dessus du lobe de l’oreille [6]. Ce bloc, simple de réalisation, a un taux de succès très élevé, sans risque majeur. La ponction vasculaire des vaisseaux temporaux superficiels est possible. Ils sont cependant plus profonds que le nerf et l’emploi d’une aiguille à biseau court réduit (mais ne supprime pas) le risque de pénétration vasculaire et à condition de progresser lentement.
Les indications en chirurgie concernent les actes sur le pavillon de l’oreille, en association avec le nerf grand auriculaire (cf. infra) et aussi la chirurgie tégumentaire de la zone temporale.
En urgence, ce bloc est indiqué dans toutes les plaies multiples du cuir chevelu situées dans la zone temporopariétale.
Enfin, on peut réaliser ce bloc en complément d’un bloc mandibulaire insuffisant sur le territoire de l’auriculotemporal.
Après un bloc mandibulaire, l’auriculotemporal n’est bloqué que dans 22 % des cas [26] et peut être aisément bloqué par voie locale.
Bloc du nerf mentonnier (Fig. 14)
Le nerf mentonnier sort par le foramen mentonnier qui est un peu latéral par rapport à la commissure labiale et en face de la première prémolaire [7]. Il est accompagné de son artère. Il prend une direction supérieure et médiale pour innerver le menton, la lèvre inférieure, la gencive, les incisives et la canine.
Le matériel nécessaire est soit une aiguille intradermique (26 G) reliée à une seringue Luer-lock par un prolongateur, soit une aiguille à biseau court de 25 mm de type neurostimulation. Le point de ponction se fait au bord latéral, à 5 mm du foramen mentonnier [27], repéré au doigt et marqué au feutre. L’aiguille va rechercher le contact osseux, avec une direction plutôt médiale, vers le foramen mentonnier [19]. L’injection est réalisée lorsque le contact osseux a été établi. Il faut impérativement éviter une injection intracanalaire. L’injection dans une direction médiale est très lente, avec 2 à 3 ml de solution anesthésique.
Après le retrait de l’aiguille, un discret massage favorise la diffusion du produit. Les territoires intéressés par ce bloc sont les zones du menton, de la lèvre inférieure, des gencives, des incisives et de la canine. Le bloc mentonnier est très facile de réalisation et son taux de réussite est très élevé. Il y a peu d’incidents notables avec ce bloc. La ponction cutanée et surtout le contact osseux sont un peu douloureux : une sédation peut être nécessaire. La ponction intracanalaire risque d’entraîner des lésions nerveuses avec paresthésies [7]. Un risque d’hématome, dû à une technique insuffisamment maîtrisée, a aussi été rapporté [6]. Les indications en chirurgie concernent tous les actes sur la lèvre inférieure, les dents, la gencive et le menton [18]. En urgence, ce bloc est efficace dans les plaies multiples de la zone mandibulaire médiale, en particulier labiale et mentonnière : un bloc bilatéral est alors nécessaire. En odontologie, il peut être utile dans les actes sur les incisives et la canine.
Bloc du nerf alvéolaire inférieur
Bien que ce nerf ne soit pas « facial », il peut être utile en cas de bloc maxillaire incomplet ou en alternative au bloc mentonnier [26]. Le nerf alvéolaire inférieur est une branche terminale du nerf mandibulaire ; il progresse dans un tunnel osseux mandibulaire tout le long de la branche horizontale, pour se terminer au trou mentonnier où il donne le nerf homonyme. Le matériel utilisé est soit une aiguille intradermique (26 G) reliée à une seringue Luer-lock par un prolongateur, soit une aiguille à biseau court de 50 mm de type neurostimulation. Une seule procédure de ponction est retenue : la ponction endobuccale, dite à l’épine de Spix [7]. L’aiguille est dirigée vers la face médiale de la branche verticale mandibulaire, au contact de l’épine de Spix, avant la pénétration osseuse du nerf. L’injection de 2 à 3 ml de solution anesthésique est très lente. Ce bloc va anesthésier toutes les dents inférieures, mais parfois le nerflingual est concerné [26]. Le taux de succès est très élevé. En termes d’incidents, on note une atteinte possible du nerf lingual avec dysesthésies du bord lingual et perte du goût [7, 26], maisaussi une atteinte du nerf facial (paralysie résolutive). Enfin, beaucoup plus rarement [7], on peut observer un bloc laryngé supérieur, des brèches vasculaires, une injection intramusculaire (muscles ptérygoïdiens) entraînant un blocage articulaire temporomandibulaire. Les indications sont essentiellement en chirurgie dentaire, mais aussi en chirurgie en complément d’un bloc mandibulaire insuffisant.
Bloc du nerf grand auriculaire (Fig. 15)
Le nerf grand auriculaire est une branche terminale du plexus cervical superficiel dont l’origine est au niveau C3. Il se dirige vers le lobe de l’oreille selon un axe passant par le bord postérieur du SCM (point d’Erb) et la mastoïde. Le matériel utilisé est soit une aiguille intradermique (26 G) reliée à une seringue Luer-lock par un prolongateur, soit une aiguille à biseau court de 50 mm de type neurostimulation. Le patient doit être installé avec la tête tournée du côté opposé au bloc [18].
Le premier repère est la partie inférieure de la mastoïde (la marquer au feutre) ; le deuxième repère est le bord latéral du SCM au niveau du cartilage cricoïde. Le bloc se fait sur la ligne réunissant ces deux points. Le point de ponction se fait à 10 mm en dehors (latéralement) du bord latéral du SCM.
L’aiguille passe en sous-dermique et se dirige vers la mastoïde.
L’injection se fait tout au long du trajet (Fig. 15). L’injection est très lente, avec 7 ml de solution anesthésique, en avançant vers la mastoïde. Après le retrait de l’aiguille, un discret massage favorise la diffusion du produit. Il faut privilégier le volume pour atteindre toutes les branches de ce nerf. On obtient une anesthésie du pavillon de l’oreille, dans sa zone inférieure et postérieure (moitié inférieure), ainsi que d’un petit territoire cutané de l’angle de la mâchoire. Le taux de succès de ce bloc est très élevé. Il est de réalisation facile. On note peu d’incidents, excepté, en cas de ponction trop profonde, la possibilité d’une diffusion au nerf facial avec une parésie transitoire régressive spontanément. Les indications concernent surtout les actes sur le pavillon de l’oreille et en particulier la chirurgie réparatrice avec lambeau local (oncochirurgie). En urgence, ce bloc est intéressant pour les plaies du pavillon de l’oreille.
Bloc du nerf petit occipital C2 (Fig. 13)
Le nerf petit occipital est une branche terminale du plexus cervical superficiel dont l’origine est au niveau C2. Il sort derrière le SCM et se dirige vers la partie postérosupérieure du lobe de l’oreille où il donne des branches, puis va se terminer dans la zone occipitale latérale du crâne. Le matériel utilisé ici est soit une aiguille intradermique (26 G) reliée à une seringue Luer-lock par un prolongateur, soit une aiguille à biseau court de 50 mm de type neurostimulation. Le point de ponction se situe derrière le pavillon de l’oreille à sa mi-hauteur en zone occipitale. L’aiguille va permettre l’injection d’anesthésique local selon un quart d’arc de cercle (classiquement de « 9 heures à 12 heures ») pour terminer l’injection au sommet du pavillon de l’oreille (Fig. 13). Un artifice technique peut faciliter le bloc : l’aiguille est légèrement courbée et peut en un trajet injecter la solution anesthésiante derrière le pavillon de l’oreille, parallèlement à celui-ci.
L’injection est particulièrement lente, pour la rendre moins douloureuse. Il faut 4 ml de solution anesthésique. Après le retrait de l’aiguille, un discret massage favorise la diffusion du produit. Ce bloc donne un territoire anesthésié au pavillon de l’oreille, dans sa zone postérieure et supérieure (« de 9 heures à 12 heures ») où des branches de ce nerf participent à la sensibilité du lobe [27]. Ce bloc est facile de réalisation et présente un taux de succès très élevé. Avec ce bloc, il n’y a pas d’incident notable. Le seul inconvénient est le caractère douloureux de l’injection qui peut être très atténué par une administration lente. Les indications en chirurgie concernent tous les actes sur le pavillon de l’oreille. En urgence, ce bloc est utile dans les plaies du cuir chevelu en zone occipitale.
“ Point fort
En région faciale inférieure, le bloc du nerf mandibulaire est réalisable avec une neurostimulation motrice ; cependant, il est quelquefois incomplet et nécessite alors le recours à des blocs périphériques des branches terminales |
Blocs régionaux
Bloc pour pavillon de l’oreille (Fig. 13)
Pour réaliser une anesthésie complète du pavillon de l’oreille, il faut associer trois blocs : le bloc du nerf auriculotemporal (2 ml), le bloc du nerf grand auriculaire (7 ml) et le bloc du nerf petit occipital ou C2 (4 ml). Ces blocs permettent toute la chirurgie de cette zone, qu’elle soit esthétique, réparatrice (plasties du pavillon) ou carcinologique, uni- ou bilatérale. Seule la zone de Ramsay-Hunt [2] échappe à ces blocs.
Bloc pour le nez (Fig. 8)
Les téguments nasaux sont anesthésiés par l’association de deux blocs bilatéraux : le bloc infraorbitaire et le bloc nasal.
Toute la chirurgie nasale de surface peut être faite ainsi (tumeurs, rhinophyma) [20]. La chirurgie osseuse simple comme la réduction de fracture nasale est praticable avec ce bloc, ce qui est très intéressant en urgence (association du bloc supratrochléaire et du bloc nasal en réalisation bilatérale) [20]. Enfin, les rhinoplasties peuvent bénéficier de l’association anesthésie générale-blocs du nez (nerf infraorbitaire et nerf nasal) pour obtenir une excellente analgésie per- et postopératoire.
Bloc pour le cuir chevelu (Fig. 16)
Dans le cadre des soins en urgence et des plaies du crâne, on peut réaliser un blocage de l’innervation du cuir chevelu, soit par une infiltration semi-circonférentielle [3, 7], soit par trois zones d’infiltration des branches terminales des nerfs de la face, au niveau du crâne : une infiltration antérieure frontale pour le nerf supraorbitaire et le nerf supratrochléaire (5 ml) ; une infiltration latérale temporopariétale pour le nerf zygomatique et le nerf auriculotemporal (5 ml) et enfin, une infiltration postérieure pour les nerfs petit et grand occipital (4 ml).