Causes des hypophosphorémies

Trois mécanismes physiopathologiques, souvent intriqués, peuvent rendre compte de cette hypophosphorémie :
– les mouvements transmembranaires du phosphore du secteur extracellulaire vers le secteur intracellulaire ;
– l’augmentation de l’excrétion urinaire ;
– la diminution de l’absorption intestinale.
HYPOPHOSPHORÉMIES DE TRANSFERT ET DE CONSOMMATION
La diffusion du phosphore à travers la membrane cellulaire étant passive, toute augmentation du transfert intracellulaire sera suivie d’une hypophosphorémie. De même, toute augmentation de la glycolyse anaérobie peut conduire à une hyperconsommation et donc à une majoration du transfert intracellulaire.
Ainsi s’expliquent les hypophosphorémies observées lors :
– de tout apport de glucose qui, stimulant la sécrétion d’insuline afin de permettre sa pénétration intracellulaire, va activer la glycolyse ;
– de toute situation d’agression avec hypersécrétion de catécholamines et de glucagon ;
– de la correction de l’acidocétose avec prescription d’insuline ;
– d’alcalose qui majore le transfert intracellulaire et qui, si elle est d’origine pulmonaire, entraîne une stimulation intense de l’activité de la phosphofructokinase, donc de la glycolyse anaérobie [5].
HYPOPHOSPHORÉMIES DE DÉPLÉTION
Différentes pathologies peuvent entraîner des fuites phosphorées :
– pertes rénales chroniques de l’hyperparathyroïdie, des tubulopathies (syndrome de De Toni-Debré-Fanconi) ;
– Pertes subaiguës beaucoup plus fréquentes en réanimation avec les polyuries osmotiques (osmothérapie, diabète sucré déséquilibré), les pertes après prescription de diurétiques, d’inhibiteurs de l’anhydrase carbonique.
La néphrotoxicité de certaines thérapeutiques peut entraîner une réduction de la réabsorption tubulaire [4].
HYPOPHOSPHORÉMIES PAR DÉFAUT D’ABSORPTION INTESTINALE
Les ostéomalacies vitaminosensibles ou vitaminorésistantes (syndrome de Fanconi) sont susceptibles de provoquer une déplétion avec respectivement réduction secondaire ou primitive de l’absorption.
Les pathologies digestives avec atrophie de la muqueuse intestinale (entéropathies infectieuses ou inflammatoires) peuvent également diminuer l’absorption.
La dénutrition joue un rôle par défaut d’apport. Les antiacides contenant des sels d’alumine, qui chélatent le phosphore, empêchent l’absorption de celui-ci.
CIRCONSTANCES CLINIQUES
– Toute situation d’agression s’accompagnant d’un apport glucosé important, notamment lors d’une alimentation parentérale exclusive, induit un besoin supplémentaire en phosphore. Certaines circonstances cliniques peuvent associer à cette consommation des facteurs de déplétion multiples [18]. Ainsi le patient polytraumatisé va présenter une réduction des capacités de réabsorption tubulaire en réponse à l’augmentation des taux de cortisol et de glucagon [10].
L’hypocalcémie et l’hypomagnésémie, fréquentes dans ce type de pathologie [11], stimulent la libération de parathormone réduisant également la réabsorption tubulaire. Enfin, une souffrance ischémique rénale secondaire au collapsus vasculaire ne fera que diminuer encore les capacités rénales [26]. Le traumatisme crânien associe un taux circulant élevé en catécholamines [19] et sa prise en charge thérapeutique inclut la prescription fréquente d’une osmothérapie (mannitol) à visée antioedémateuse majorant ainsi l’excrétion rénale [22, 28].
– Le syndrome de renutrition s’accompagne également d’une hypophosphorémie [9].
– La correction d’une acidocétose diabétique est aussi une étiologie possible.
– Toute situation clinique s’accompagnant d’une hyperventilation avec alcalose respiratoire [5]. Ainsi, la ventilation mécanique peut entraîner une hypophosphorémie notamment chez les patients bronchopathes chroniques [16].
– L’existence d’un sepsis, et plus précisément la présence de taux élevés de cytokines, est fréquemment associée à une hypophosphorémie [3].
– Chez l’éthylique, on observe la sommation de facteurs de déplétion tels que la dénutrition, la fréquence des gastrites imposant l’utilisation d’antiacides, les vomissements. Un déficit en calcium et en magnésium susceptible de majorer les fuites urinaires de phosphore est également fréquemment rencontré [29].
– La prescription de certaines classes médicamenteuses peut s’accompagner d’une chute de la phosphorémie : les diurétiques, la théophylline, certains antiacides, le sucralfate, l’acétazolamide, l’adrénaline et les b2-adrénergiques [6].