Définition et classification physiopathologique des troubles acidobasiques

Définition des troubles acidobasiques
L’identification d’un TAB passe par quatre étapes successives qui sont résumées dans la Figure 4 [3, 8-10, 24, 25, 27, 41].
“ Point fort
L’approche classique d’Henderson-Hasselbalch, fondée sur l’analyse des valeurs de pH, PaCO2, bicarbonates et TA, permet souvent de définir la nature d’un TAB. C’est celle qui reste en pratique la plus facile à appliquer au lit du malade. L’approche de Stewart est fondée sur l’analyse de trois variables indépendantes que sont la PaCO2, le SID et la mesure des acides faibles Atot (albuminate et phosphate). Elle reste plus difficile à mettre en pratique courante et nécessite un apprentissage et une réflexion plus approfondie. Cependant, chez les malades complexes de réanimation, elle apporte une analyse beaucoup plus précise des TAB. Elle est particulièrement utile en cas d’hypoalbuminémie et d’hypernatrémie qui induisent une alcalose métabolique. Ce trouble, ignoré par l’approche classique, peut cacher ou minimiser la gravité d’une éventuelle acidose métabolique, et donc conduire à des erreurs diagnostiques et thérapeutiques. Dans ces cas-là, il est indispensable de doser la lactatémie, l’albuminémie, ainsi que tous les autres paramètres utiles au calcul du SID. |
Validation de la gazométrie
La gazométrie artérielle ne peut être interprétée que si les bicarbonates calculés (HCO3 – c) à partir de la gazométrie ne diffèrent pas de plus de 2-3 mmol l–1 des bicarbonates mesurés (CO2T) sur l’ionogramme sanguin [24, 25]. Une discordance entre ces deux valeurs traduit le plus souvent une erreur technique et impose de répéter les mesures.
Identification du trouble acidobasique primaire
L’acidémie se définit par une valeur de pH < 7,38 et l’alcalémie par une valeur de pH >
7,42 [12, 24-27].L’acidose se définit comme un processus physiopathologique
aboutissant à une augmentation de la concentration en protons plasmatiques et inversement.Ces définitions se rapportent donc au processus causal et n’impliquent pas obligatoirement une modification de pH dans le même sens. Néanmoins, en pratique courante, acidémie (alcalémie) et acidose (alcalose) sont confondues.
Un trouble métabolique primaire se définit par une variation première des bicarbonates plasmatiques, alors qu’un trouble respiratoire est induit par une variation première de la PaCO2.
Évaluation de la réponse prévisible au trouble primaire
Face à toute variation acidobasique primitive, il existe des mécanismes de régulation capables d’atténuer les modifications du pH, sans toutefois jamais pouvoir totalement les normaliser.
Cette réponse est hautement reproductible à partir de modèles statistiques qui sont déterminés selon une droite de régression [12, 26, 27]. En cas de trouble métabolique primitif, la réponse prévisible est une réponse respiratoire rapide qui se traduit par une variation de la PaCO2. Face à un trouble respiratoire primitif, la réponse prévisible est une réponse rénale. Son délai de mise en route est plus lent (au minimum 12 heures) et son importance dépend de la rapidité d’installation du trouble respiratoire. On distingue ainsi les TAB respiratoires aigus des chroniques.
Les réponses théoriques prévisibles se caractérisent finalement par leur nature, leur délai de mise en route et leur limite (Tableau 2).L’existence d’un pH normal associé à une PaCO2 et/ou des bicarbonates plasmatiques anormaux, traduit la présence de deux ou trois troubles associés.
Détermination précise du ou des troubles
Un trouble métabolique (respiratoire) simple se caractérise par une variation des bicarbonates plasmatiques (une variation de la PaCO2) sans autre perturbation associée, c’est-à-dire avec une réponse respiratoire (rénale) théorique prévisible qui correspond à celle mesurée dans le sang du patient. Un trouble mixte correspond à l’association d’une perturbation métabolique et respiratoire allant dans le même sens. Un trouble complexe
(appelé ainsi dans la littérature anglo-saxonne) correspond à l’association de deux ou trois troubles simples qui ne vont pas tous dans le même sens. Comme les variations de PaCO2 par la ventilation représentent les seules causes de TAB respiratoires, il ne peut y avoir qu’un seul trouble respiratoire à la fois. De ce fait, les TAB les plus complexes ne peuvent associer au maximum que trois perturbations : acidose et alcalose métabolique associées à un seul trouble respiratoire (acidose ou alcalose). Le diagnostic de
trouble métabolique complexe repose sur la comparaison de variation du bicarbonate à celle du chlore et du TA (cf. infra) [24, 25, 44-46].
Physiopathologie des troubles acidobasiques
Troubles métaboliques [3, 24, 25, 42]
Selon l’approche classique d’Henderson-Hasselbalch, c’est la baisse des bicarbonates plasmatiques induite par l’accumulation d’ions H+ qui génère la baisse du pH. Ces modifications peuvent résulter d’une accumulation d’acides organiques (lactate, corps
cétoniques) ou de chlore (acidose minérale) ou d’une perte de bicarbonates (digestive ou rénale). Dans le concept de Stewart, l’acidose métabolique résulte d’un déplacement du degré de dissociation de l’eau plasmatique vers la droite, ce qui entraîne une augmentation de concentration d’ions H+ dans le sang.
Ce mouvement peut être généré par une baisse du SID ou une augmentation de concentration des acides faibles (Atot). La baisse du SID peut être la résultante d’une hyperchlorémie, d’une accumulation d’anions forts (lactate, corps cétoniques ou autres anions indosés XA– ), ou d’une diminution des cations forts (surtout le Na+ ).
Dans ce dernier cas, la dilution plasmatique du sodium s’accompagne d’une dilution proportionnelle du chlore, qui aboutit à une baisse plus marquée en valeur absolue du sodium que du chlore et donc au final à une baisse du SID. Le même raisonnement peut être appliqué aux alcaloses métaboliques en sens inverse.
“ Point fort
Définir un TAB nécessite quatre étapes : la validation de la gazométrie ; l’identification du trouble primitif ; l’évaluation de la réponse prévisible respiratoire ou rénale au trouble primitif ; la détermination précise du ou des troubles. |
Troubles respiratoires [3, 24, 25, 42]
Que l’on se base sur l’approche d’Henderson-Hasselbalch ou de Stewart, la PaCO2 est la variable déterminante des troubles respiratoires.
“ Point fort
Le concept d’Henderson-Hasselbalch permet de distinguer trois grandes causes d’acidoses, alors qu’avec celui de Stewart, on peut distinguer six grandes causes d’acidoses (Tableau 3). Il est important de souligner que les TAB induits par les dysnatrémies ne sont pas identifiés par l’approche classique d’Henderson-Hasselbalch. |