Effets secondaires des substituts du plasma ou solutés macromoléculaires de remplissage vasculaire

STOCKAGE TISSULAIRE
Le stockage tissulaire n’a jamais été signalé pour les gélatines. Des stockages tissulaires de plusieurs mois ont été rapportés avec les dextrans 70.
Les HEA s’accumulent dans tous les tissus, en particulier hépatique, rénal et cutané, et spécialement dans les cellules à forte activité macrophagique [95, 118].
Cette thésaurismose est:
démontrée chez l’animal et récemment chez l’homme. Le stockage lié à l’accumulation plasmatique est fonction de la dose administrée et peut persister plusieurs mois au niveau musculaire, intestinal et surtout cutané [95, 118].
L’immunomarquage à l’aide d’anticorps polyclonaux de lapin dirigés contre la molécule d’HEA a permis d’améliorer la compréhension de cette accumulation tissulaire d’HEA [95]. Chez l’animal, dans tous les tissus étudiés (foie, rate, ganglions, poumon, rein et peau), des vacuoles intracellulaires sont mises en évidence. En revanche, ces cellules vacuolisées sont exceptionnellement observées sur les coupes au niveau du rein et de la peau. Le marquage par l’anticorps contre l’HEA montre que les vacuoles contiennent bien de l’HEA et que ces dépôts siègent dans les macrophages. Il est impossible de déterminer si le stockage correspond à des molécules d’HEA de haut PM ou à d’autres de PMplus petit résultant de la dégradation.
PRURIT
Plusieurs études avec l’HEA 200/0,5 à 10 % relèvent un prurit dans 30 % des cas après HDI pour troubles otologiques [48]. Le prurit est exceptionnellement signalé lors d’HDI dans d’autres circonstances pathologiques et n’est pas observé lors de RV périopératoire inférieur à 1 L [22].
Les caractéristiques du prurit sont toujours similaires. Il est souvent généralisé avec une localisation élective pour le tronc, les cuisses et le périnée. Il dépend clairement de la dose administrée [48]. Il existe une corrélation avec la dose d’HEA ; le prurit apparaît pour des doses cumulatives d’environ 300 g [48]. Le prurit se déclenche dans la moitié des cas après la fin des HDI. Il persiste en moyenne 8 à 9 semaines. Des dépôts d’HEA sont retrouvés en microscopie optique et électronique dans les macrophages et les cellules endothéliales du derme, ainsi que dans les fibres nerveuses adjacentes [48, 125]. Ces dépôts dans le derme expliqueraient le prurit.
EFFETS SUR L’HÉMOSTASE
Généralités
Les interférences entre l’hémostase et les solutés de RV sont de deux types :
– non spécifiques, dépendant de l’hémodilution entraînée par des perfusions de grands volumes ; les cristalloïdes semblent se différencier des colloïdes en induisant plutôt une hypercoagulabilité ;
– spécifiques des colloïdes, touchant la coagulation et la lyse du caillot.
Enfin, il est important de retenir que certains effets sont décrits in vitro et d’autres in vivo, l’extrapolation des premiers à la pratique clinique pouvant toujours se discuter. Cependant,
les effets de l’hémodilution profonde, avec baisse de 30 à 50 % de l’hématocrite, sont importants à retenir car ce niveau peut être atteint en situation d’urgence, pendant l’attente des produits sanguins, et comporte un risque spécifique sur l’hémostase.
Le contexte d’utilisation des solutés de RV a aussi son importance :
– dans le contexte traumatique, des perturbations de l’hémostase sont observées avec, en règle, une tendance à l’hypocoagulabilité par diminution des facteurs de coagulation et augmentation de la fibrinolyse, les patients traumatisés crâniens ayant fréquemment et de façon corrélée à l’importance du traumatisme une hypofibrinogénémie et une fibrinolyse ;
– dans le contexte postopératoire où, en l’absence de toute complication, le fibrinogène est augmenté, le temps de céphaline activé (TCA) raccourci et le taux de prothrombine (TP) augmenté [123]. Les effets des solutés de RV doivent être interprétés en fonction des perturbations de l’hémostase propres à ces circonstances.
L’albumine est généralement considérée comme le soluté de RV de référence pour le retentissement sur l’hémostase sans autres conséquences que celles liées à l’hémodilution. Cependant, l’hémodilution ne doit pas être supérieure à 50 %.
Dextrans
Peu après sa commercialisation, au début des années 1950, le dextran 70 est incriminé dans la genèse de troubles de l’hémostase sous forme d’un allongement du TS associé, lors de pansements chez des brûlés, à un saignement plus important [11]. L’allongement est maximal vers la quatrième heure après la fin de la perfusion et d’autant plus que le PM est élevé et la dose supérieure à 1,5 g·kg–1 [11].
Les dextrans sont susceptibles d’altérer la polymérisation de la fibrine. La conversion du fibrinogène en fibrine par la thrombine est accélérée [24].
Au total, les dextrans ont une action sur l’adhésivité plaquettaire et la lyse du caillot, les deux effets étant expliqués principalement par une action sur le complexe Willebrand-facteur VIII [11]. Les recommandations de Bergqvist doivent être rappelées :
– la dose de 1,5g/kg/j ne doit pas être dépassée chez le patient sans diathèse hémorragique ;
– les dextrans sont contre-indiqués chez le malade ayant une maladie de Willebrand, une hémophilie, une diathèse hémorragique ou une thrombocytopénie. Ils sont contre-indiqués ou utilisés avec prudence chez le patient en insuffisance rénale chronique sévère ou lors de traitement anticoagulant [11].
Au total, bien que les études ne semblent pas montrer de majoration du risque de saignement, la prudence est indispensable lors d’associations entre les antiagrégants plaquettaires et les dextrans.
Gélatines
Longtemps, il a été considéré que les effets étaient limités à ceux de l’hémodilution avec une diminution modérée des facteurs de la coagulation et une diminution des plaquettes parallèle au degré d’hémodilution [53, 108]. Mais l’évaluation plus fine met en évidence des modifications de l’hémostase qui risquent de s’exprimer cliniquement lors d’une hémodilution très profonde (> 50 %). Ainsi, in vitro, pour une hémodilution inférieure à 33 %, la GFM a un effet procoagulant modeste inférieur à celui des cristalloïdes. Au-delà, une hypocoagulabilité se développe, proportionnelle à la dilution plus marquée qu’avec les cristalloïdes [70], mais qui reste modeste même pour une hémodilution de 50 % [92]. Dans une autre étude, cette absence de retentissement est confirmée pour une hémodilution de 30 %, alors qu’à 60 %, la formation du caillot est diminuée par rapport au cristalloïde mais identique à l’effet de l’albumine [39]. La réduction de la qualité de la formation du caillot est confirmée par d’autres méthodes d’études in vitro avec la GFM et la GPU ; le complexe résultant de la liaison fibronectine-gélatine pourrait s’incorporer au caillot en formation et interférer avec la polymérisation des monomères de fibrine [85].
Plusieurs études confirment la différence d’effet sur l’agrégation plaquettaire des GFM et GPU.
Au total, l’agrégation plaquettaire est modifiée par toutes les gélatines, en particulier en chirurgie cardiaque avec la GFM, et de grandes quantités de GFM pourraient faciliter un saignement [126].
Le risque hémorragique serait encore plus important avec la GPU, comme cela est démontré chez des traumatisés, avec une augmentation du calcium ionisé [41]. La GPU doit donc être évitée.
Bien que les effets de la GFM soient modérés pour des hémodilutions inférieures à 50 %, il est important de retenir que les effets ne sont pas nuls lors d’un RV abondant dépassant 2 à 3 L et peuvent se cumuler à ceux provoqués par d’autres colloïdes comme les HEA lorsqu’ils sont associés dans le RV.
Hydroxyéthylamidons
HEA de haut poids moléculaire : PM 450
Dès 1965, sur un modèle avec incisions chirurgicales, il est montré une augmentation des pertes sanguines avec l’HEA 450 (25 mL·kg–1)
par rapport à un cristalloïde, accompagnée d’une augmentation du TS et d’une diminution de la concentration du fibrinogène à un niveau plus bas que celui prévu par le degré d’hémodilution.Les facteurs de coagulation sont modérément abaissés [127]. Des études effet-dose montrent que le TS et les pertes sanguines chez le chien sont significativement augmentés à partir d’une perfusion de 20 mL·kg–1 de HEA 450 [46]. Le risque hémorragique clinique est évoqué comme avec les dextrans dès cette période et à la suite de ces travaux, une perfusion limitée à 20 mL·kg–1 (ou 800 mL·m–2) d’HEA 450 à 6 % est recommandée en 1981 [122]. Bien que les perfusions de moins de 20 mL.kg–1d’HEA 450 soient bien tolérées en périodes per- et postopératoire et en réanimation, y compris en chirurgie cardiaque, au moins 12 publications ont rapporté des accidents hémorragiques favorisés par l’utilisation de doses normales, mais le plus souvent répétées sur plusieurs jours [131]. L’équipe de Strauss a mené plusieurs études chez l’homme montrant que l’HEA 450 entraîne des modifications de l’hémostase identiques à celles observées dans la maladie de Willebrand de type 1 [124].
HEA de poids moléculaire moyen : PM 200-250
Deux études sont menées chez le volontaire sain. En 1988, au cours d’une cytaphérèse, Strauss et al [124] comparent non prospectivement, mais selon les mêmes modalités de prescription, les effets de 500 mL d’HEA 450 à 6 % et d’HEA 250/0,45 à 10 % sur les paramètres de l’hémostase. Les deux HEA modifient significativement les paramètres mesurés (TCA, TT, TS, activité des facteurs VIIIc, vWF Ag, cofacteur de la ristocétine [vWF Co] et temps de lyse des euglobulines). Seul le TS n’est pas significativement modifié par l’HEA 250. Les effets modérés induits par l’HEA 250 ne sont liés qu’à l’hémodilution, et la structure métamérique du Willebrand n’est pas modifiée. Chez le sujet sain, les effets d’un volume de 500 mL d’HEA 200/0,5 sont modestes sur l’hémostase, peu différents de ceux induits par l’albumine diluée [62].
Les modifications de l’hémostase sont aussi modérées après des RV supérieurs à 1 500 mL en moyenne avec l’HEA 250/0,5 à 10 % en particulier en chirurgie cardiaque [80]. Chez des patients septiques qui ont reçu jusqu’à 2 000 mL d’HEA, on constate une diminution de 45 % du taux de facteur VIII alors qu’il n’est pas modifié avec l’albumine à 5 % [100]. Il n’est pas retrouvé de différence avec l’albumine à 5 % en ce qui concerne les TCA, TP, TS, taux de fibrinogène et numération des plaquettes.
Cependant, plusieurs études récentes de l’équipe de Treib et al mettent en garde contre les risques potentiels de perfusions répétées de l’HEA 200/0,6 à 6 % (Elohest) [131]. Les travaux de cette équipe sont menés dans le contexte particulier de l’hémodilution prolongée chez des malades porteurs d’une insuffisance circulatoire cérébrale : sur une période de 10 jours environ, 7 L de colloïde sont perfusés (comportant une perfusion de 20 mL·kg–1 le premier jour, d’environ 15 mL·kg–1 pendant 3 jours puis 5 mL·kg–1 jusqu’au dixième jour).
L’HEA 200/0,5 est comparé à l’HEA 200/0,6. Aucune modification de l’hémostase n’est observée avec l’HEA 200/0,5 à 10 %, en dehors des effets liés à l’hémodilution. En revanche, l’HEA 200/0,6 à 6 % induit un tableau biologique de type Willebrand. Le TCA est significativement plus allongé avec l’HEA 200/0,6 qu’avec l’HEA 200/0,5. Dans une étude, le facteur VIII diminue de 72 %, le vWF Co de 61 % et le facteur VIII antigène de 64 %. L’analyse des multimères du facteur Willebrand montre que toutes les tailles de multimères sont diminuées de manière identique, traduisant un défaut purement quantitatif qui caractérise le syndrome de Willebrand de type 1. Une accumulation des molécules de PM élevé est responsable de ce phénomène avec l’HEA 200/0,62 à 6 % ; le complexe facteur VIII-vWF serait éliminé de manière accélérée par liaison aux molécules d’HEA. L’équipe de Treib, dans plusieurs séries d’études comparant différents HEA 200 (différents TSM et C2/C6) et des HEA de plus bas PM (40 ou 70 kDa), démontre que les effets sur le complexe Willebrand sont directement liés à l’accumulation des grosses molécules d’HEA. Plus le PM, plus le ratio C2/C6 sont grands et surtout plus le TSM est élevé, plus la métabolisation est lente et plus les molécules de haut PM persistent dans le plasma et s’accumulent.
En conclusion, l’HEA 200/0,6 se différencie très nettement de l’HEA 200/0,5 et des HEA de plus bas PM.
Des accidents cliniques hémorragiques, fréquemment publiés en période périopératoire eten neurochirurgie avec l’HEA 450,ont aussi été rapportés lors d’utilisation de l’HEA 200/0,6 à 6 % après traitement pour angiospasme dans les hémorragies méningées [131] et confirmés par la Pharmacovigilance française.
D’autres auteurs comparent les effets sur les plaquettes et l’agrégation plaquettaire d’un RV
effectué en début d’anesthésie pour chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle (CEC) avec quatre colloïdes différents : HEA 450/0,7, HEA 200/0,5, GFM à 3,5 % et albumine à 5 % [18]. Les opérés reçoivent en moyenne 850 à 950 mL de soluté suivant les groupes. Globalement, les effets sont modestes et l’évolution du taux des plaquettes est identique avec tous les colloïdes. Aucune différence n’est observée entre les groupes ayant reçu HEA 200/0,5, GFM à 3,5 % et albumine à 5 %. En revanche, l’agrégation plaquettaire induite par l’ADP, le collagène et l’adrénaline est significativement réduite par l’HEA 450 par rapport aux autres colloïdes et le saignement postopératoire est plus important avec l’HEA 450.
En ce qui concerne la réanimation secondaire des traumatisés, une équipe a comparé le RV avec l’HEA 200/0,5 à 10 % et l’albumine à 20 % [19]. Les patients ont reçu 5 L d’HEA (60 mL·kg–1) en 5 jours sans différence avec l’albumine pour l’évolution clinique et biologique. La diminution de l’agrégation plaquettaire est similaire avec les deux solutés. L’évolution du complexe vWF-VIII n’a pas été étudiée.
La fibrinolyse, explorée par les dosages de D-dimères, de l’activateur tissulaire du plasminogène, de l’urokinase, de l’inhibiteur du plasminogène et du complexe plasmine-antiplasmine, n’a pas été significativement altérée par la perfusion de 500 mL d’HEA 200/0,5 ou d’albumine à 5 % [62].Les effets de la perfusion d’un plus grand volume d’HEA 200/0,5 sur la fibrinolyse sont sans doute moindres qu’avec l’HEA 200/0,6, mais ils existent [131]. L’altération de la polymérisation du caillot de fibrine n’a jamais été étudiée comme avec les dextrans et l’HEA 450. La fibronectine diminue avec la perfusion d’HEA 200/0,6 [129], mais il n’est pas fait de relation avec cette baisse et l’altération de la polymérisation du caillot de fibrine comme avec la gélatine.
En conclusion, il ne faudrait pas retenir que les effets de l’HEA 200/0,6 sur le complexe Willebrand. En effet, le danger le plus grand, en particulier en urgence, est celui d’une hémodilution trop importante quel que soit l’HEA utilisé. Les HEA 200/0,5 entraînent in vitro, lors d’une hémodilution supérieure à 30 %, une profonde modification de la coagulation globale liée à une altération du fibrinogène et des fonctions plaquettaires [39]. Ainsi, une hémodilution peropératoire de 30 à 40 % (25 à 33 mL·kg–1) provoque un saignement peropératoire plus important avec l’HEA 200/0,5 qu’avec la GFM en chirurgie orthopédique [91]. Il est donc capital de ne pas dépasser la dose limite de 33 mL/kg/j le premier jour avec les HEA 200/0,5 à 6 ou 10% (Hestérilt, Heafusinet), qui doivent être utilisés de préférence.
HEA de bas poids moléculaire : PM 130
L’HEA 130/0,4 vient d’être comparé in vitro avec l’HEA 200/0,5.
Pour une hémodilution de 30 et 60 %, les perturbations du TEG sont identiques avec les deux HEA [57].
Conclusion
Tous les solutés de RV, à l’exception des cristalloïdes isotoniques, ont tendance à altérer la coagulation pour des hémodilutions supérieures à 30 à 50 %.Les effets sont relativement plus marqués avec les HEA. Les dextrans ont été écartés du RV en France en raison de leurs effets sur la coagulation mais aussi de leurs effets immunoallergiques. Les gélatines ont des effets modérés sur la coagulation mais, contrairement à une opinion ancienne, il existe au moins in vitro des effets sur l’hémostase qui ne doivent pas être ignorés et encouragent à éviter d’induire une hémodilution trop importante. Néanmoins, les effets sont moindres qu’avec les HEA qui bénéficiaient jusqu’à peu de temps d’une complète immunité.
Les doses limites d’HEA doivent donc être respectées (33 mL·kg–1 le premier jour et 20 mL·kg–1 les jours suivants). L’HEA 200/0,6 est autorisé à condition de surveiller, lors de perfusions de plus de 33 mL·kg–1, le TCA, le vWF Co et éventuellement le VIIIc. Il ne doit pas être utilisé plus de 3 jours. La dose maximale ne doit pas dépasser 80 mL·kg–1. La surveillance est renforcée s’il existe un traitement pouvant retentir sur l’hémostase et chez les patients de groupe sanguin O. L’administration est contre-indiquée en cas de troubles constitutionnels de l’hémostase ou acquis, d’hémophilie, de maladie de Willebrand connue ou suspectée. Les autres HEA sont aussi contre-indiqués en présence de ces pathologies de l’hémostase.
Pour les HEA 200/0,5, la dose quotidienne est limitée à 33 mL·kg–1 et il n’y pas de limite pour la durée du traitement. Toutefois, il est recommandé de surveiller le TCA si le produit est administré plus de 4 jours. Si le TCA est allongé, il est recommandé de doser le facteur VIIIc et le vWF Co. La surveillance est renforcée s’il existe un traitement pouvant retentir sur l’hémostase et chez les patients de groupe sanguin O.
TOLÉRANCE RÉNALE
Insuffisances rénales aiguës hyperoncotiques
De nombreux cas d’insuffisance rénale aiguë sont rapportés lors de perfusions répétées de dextran 40 à 10 % pour artérite ou accident vasculaire [6]. Les facteurs de risque retrouvés sont l’âge élevé, le terrain athéromateux, l’administration d’une quantité importante (1 L·j–1) pendant plus de 10 à 15 jours, la déshydratation préalable.
Dans de telles circonstances, un maximum de 4,3 % d’insuffisance rénale aiguë a été rapporté [6]. Des cas d’insuffisance rénale aiguë sont aussi rapportés avec les HEA, la gélatine, l’albumine à 20 % [6]. Aucun cas n’a été signalé avec les dextrans 60 ou 70 et l’albumine diluée. Ces insuffisances rénales aiguës s’accompagnent, à l’histologie, d’une vacuolisation diffuse des cellules endothéliales des tubes proximaux.
La toxicité du dextran n’est jamais retenue comme mécanisme de l’insuffisance rénale aiguë. En revanche, l’accumulation intratubulaire a longtemps été considérée comme le facteur principal en présence d’une sténose de l’artère rénale. De cette hypothèse on ne retient que le rôle de la baisse de la pression artérielle en aval de la sténose, et par conséquent de la baisse de la pression de perfusion glomérulaire.
La créatininémie s’élève significativement chez des artéritiques après 6 semaines d’HDI répétées avec l’HEA 200/0,5 à 10 %, alors qu’elle ne se modifie pas dans le groupe contrôle recevant du sérum physiologique [65]. Enfin, deux séries d’insuffisances rénales aiguës sévères avec l’HEA 200/0,6, sans autre facteur d’aggavation rénale que l’administration du HEA, sont rapportées après seulement 0,5 et 1 L chez des patientes césarisées pour souffrance foetale [35] et chez deux patients après 0,5 L·j–1 pendant 10 jours pour l’un et seulement 2 L pour l’autre [13]. Cependant, dans les conditions d’utilisation peropératoire, des volumes d’environ 1 700 mL d’HEA 200/0,5 ne provoquent aucune modification des fonctions rénales, y compris sur l’a-1-microglobuline et la N-acétyl-b-glucosaminidase, marqueurs très sensibles et précoces d’une atteinte rénale, quel que soit l’âge des opérés [73]. Enfin, expérimentalement, sur un modèle de rein isolé perfusé, l’HEA 200/0,6 induit une néphrose osmotique avec diminution de la réabsorption tubulaire proximale, ce qui n’est pas constaté avec l’albumine à 4 % ou la GFM [50].
Atteintes rénales chez le patient transplanté rénal
Plusieurs études récentes font état de modifications histologiques des reins transplantés après utilisation du HEA 200/0,6 pour la réanimation du patient donneur de rein. Un premier travail constate un stockage tubulaire rénal sous forme de cellules vacuolisées chez des transplantés rénaux [30]. Les donneurs de rein avaient été réanimés avec l’HEA 200/0,6 à 6 %. Aucune altération de la fonction rénale n’accompagne ces modifications histologiques. Cependant, les lésions dites « de néphrose osmotique » qui, en théorie, devraient être transitoires de quelques heures à quelques jours, sont relevées chez plusieurs malades, plusieurs semaines à 3 mois après la transplantation. De plus, dans une autre étude qui compare des transplantés rénaux dont les donneurs des reins sont réanimés soit avec l’HEA 200/0,6 à 6 %, soit avec une GFM, l’étude histologique plus approfondie montre des vacuoles de topographie différente, à la fois proximale et distale [28]. Dans les 10 jours suivant la transplantation, la créatininémie est significativement plus élevée dans le groupe HEA que dans le groupe GFM, et 33 % des transplantés sont épurés par voie extrarénale dans le groupe HEA versus 5 % dans le groupe GFM [28].
En pratique, l’administration répétée de solutés hyperoncotiques chez des patients âgés, artéritiques et déshydratés est à prohiber. En théorie, la survenue d’une dégradation de la fonction rénale lors de perfusions de grands volumes de solutés hyperoncotiques devrait encourager la mesure de la POC et conduire à la plasmaphérèse si la POC est trop élevée.
TOLÉRANCE HÉPATIQUE
Récemment, une équipe française a rapporté des décompensations ascitiques chez le cirrhotique ou des ascites chez des insuffisants rénaux dialysés après l’emploi répété de solutions d’HEA 200/0,6 [27].
L’examen histologique met en évidence des lésions à type d’obstruction sinusoïdale par hyperplasie des cellules de Kupffer avec des microvacuoles ou une ballonnisation des hépatocytes.
Des accidents identiques avaient déjà été signalés avec les HEA 200/0,5 [36, 96]. Le stockage tissulaire très faible et transitoire chez le sujet à fonction rénale normale semble donc majoré chez l’insuffisant rénal anurique. En revanche, même chez le cirrhotique, une utilisation unique n’a pas de conséquence fonctionnelle [2].
RISQUE D’OEDÈME PULMONAIRE
Sur un poumon sain, en l’absence d’augmentation de la pression hydrostatique, l’hypo-oncoticité liée à l’hypoalbuminémie sévère (< 20 à 25g·L–1) ne produit pas d’oedème pulmonaire car le débit lymphatique pulmonaire augmente.En revanche, le seuil de pression pulmonaire critique à partir duquel survient l’oedème pulmonaire est très abaissé.Dans une telle circonstance, si un patient nécessite une expansion volémique, un colloïde doit être préféré. Il est surtout indispensable d’effectuer très lentement la perfusion d’un colloïde, surtout hyperoncotique, pour éviter l’élévation des pressions de remplissage cardiaque.
Lors de l’altération de la membrane alvéolocapillaire de l’oedème pulmonaire lésionnel ou du syndrome de détresse respiratoire aiguë, il n’existe aucun avantage à perfuser de l’albumine qui diffuse librement au travers de la membrane lésée. Toute augmentation de la pression hydrostatique lors de RV rapide ou de perfusion d’un colloïde très expanseur favorise l’oedème pulmonaire. Ces raisons expliquent l’absence de bénéfice de l’albumine et des solutés macromoléculaires dans cette indication et contribuent à la controverse colloïdes-cristalloïdes. Pourtant, l’utilité de la déshydratation relative est confirmée par des travaux expérimentaux et cliniques [55, 81]. Ces faits tendent à exclure les cristalloïdes pour le RV. L’avantage de l’albumine n’est encore pas démontré par rapport aux autres colloïdes.
TOLÉRANCE IMMUNOALLERGIQUE
La fréquence des accidents est difficile à préciser à partir des séries publiées dans la littérature. En effet, les études sont très souvent rétrospectives, les critères de gravité clinique ne sont pas toujours détaillés et la fréquence est soit rapportée au nombre de flacons perfusés ou distribués, soit au nombre de patients perfusés [17].
Cependant, deux grandes séries multicentriques donnent des fréquences approchant la réalité (tableau XII). La première étude allemande porte sur 200 000 flacons utilisés et la fréquence est calculée par flacon [105].
Bien que les fréquences des accidents observés avec les HEA et l’albumine soient faibles, il faut remarquer l’existence d’accidents graves avec les deux solutés (tableau XII).
À partir de l’enquête multicentrique française, l’estimation du risque relatif de réaction anaphylactoïde d’un substitut par rapport à un autre montre qu’avec les HEA, le risque est six fois moindre qu’avec les gélatines, 4,7 fois moindre qu’avec les dextrans et sensiblement identique avec l’albumine (tableau XIII).
Par rapport aux autres médicaments utilisés au cours de la période opératoire, les colloïdes ne représentent que 3 à 5% des substances responsables d’un accident dont la moitié sont d’origine anaphylactique vraie [75].
Symptomatologie et gravité clinique
La réaction anaphylactoïde survient habituellement dès le début de l’administration du substitut, quelques millilitres pouvant suffire à provoquer l’accident [17]. La classification retenue comporte cinq stades de gravité clinique croissante (tableau XIV) [111]. Les dextrans entraînent des réactions plus graves que les gélatines. La mortalité globale des accidents anaphylactoïdes est de 6 à 9% et la majorité des décès publiés est due aux dextrans [17]. L’abolition de la réponse adrénergique lors d’une anesthésie péridurale ou rachidienneaugmente la gravité des réactions anaphylactoïdes. Ainsi, la majorité des décès relatés dans deux séries est survenue dans cette circonstance. En revanche, les accidents sont exceptionnellement rapportés dans les circonstances de l’urgence traumatique.
Gélatines
La différence dans la préparation des gélatines a certainement une responsabilité dans les accidents anaphylactoïdes, les GPU étant les plus souvent incriminées et donnant les réactions cliniques les plus graves [17]. Avec les GFM, les accidents anaphylactoïdes sont exceptionnellement de grades IV et V et les signes cutanés sont présents dans deux tiers des observations [15]. Actuellement en France, les gélatines sont à l’origine de 80 % des accidents immunoallergiques liés aux colloïdes [75].
L’histaminolibération non spécifique était considérée comme le mécanisme essentiel des réactions aux gélatines, surtout les GPU [82, 83]. L’excès de di-isocyanate pouvait être responsable de l’histaminolibération. La fabrication de GPU purifiée avec réductiondu nombre de ponts d’urée a permis ainsi de réduire le nombre des réactions [83]. La responsabilité de l’activation du complément est difficile à affirmer [140].La prévention antihistaminique envisageable pour prévenir l’histaminolibération non spécifique est d’un intérêt discuté puisque les accidents sont souvent d’origine anaphylactique vraie [111]. Il est surtout important de surveiller le début de la perfusion. Si des signes cliniques apparaissent à type d’éruption, prurit, gêne respiratoire, tachycardie, l’administration est immédiatement interrompue.
Dextrans
Les accidents avec les dextrans apparaissent moins fréquents qu’avec les gélatines. Les dextrans 60-70 produisent plus de réactions que le dextran 40. Surtout, ils entraînent des réactions graves avec prédominance de signes cardiovasculaires [17]. Des accidents mortels ont été rapportés, aussi bien avec le dextran 70 (1/740 000 flacons) qu’avec le dextran 40 (1/2 100 000 flacons) [105].
Le mécanisme des accidents aux dextrans est essentiellement d’origine immunologique. La présence d’anticorps antidextrans (en règle des IgG et IgA) dans le sérum de patients ayant fait une réaction aux dextrans est retrouvée chez plus de 60 % des sujets de la population « normale » dont 14 à 25 % ont des taux élevés.
L’origine de ces anticorps est liée à une immunisation par des dextrans natifs de haut PM retrouvés au niveau de la plaque dentaire, dans les pâtes dentifrices,les tablettes médicamenteuses, le sucre de ménage.
Hydroxyéthylamidons
Les données épidémiologiques concernant les HEA
sont rares et portent malheureusement uniquement sur de petites séries, en dehors de l’étude française qui inclut 5 144 malades perfusés (tableau XII) [76]. Dans les deux séries les plus récentes (sur 1 000 et 750 opérés), aucun accident n’est observé [22, 37]. Finalement, l’incidence de réactions le plus souvent minimes serait située entre 16 et 20 pour 10 000 [37]. Bien qu’exceptionnelle, l’existence d’accidents sévères ne doit pas être méconnue des utilisateurs [88].
L’absence d’histaminolibération chez des opérés ayant reçu pendant une intervention 1 g·kg–1 d’HEA 200/0,5 est observée [4]. D’autres auteurs constatent la stabilité de l’histaminémie dans un groupe d’opérés qui subissent une HDI préopératoire avec l’HEA 200/05 à 6 % alors que l’histaminémie s’élève significativement lorsque l’HDI est effectuée avec de l’albumine à 5 % [21]. L’activation du complément est mise en cause sans preuve formelle dans des accidents humains, le PM élevé pourrait alors être un facteur aggravant [97]. Des anticorps anti-HEA sont produits chez le lapin par immunisation avec l’HEA [103] ; ils dépendraient de la substitution par les radicaux hydroxyéthyles. Des anticorps anti- HEA sont détectés chez 25 % de 268 sujets qui n’ont jamais reçu d’HEA dans une étude [106] et chez aucun patient dans une autre [71].
Finalement, il faut connaître l’existence de ces accidents anaphylactoïdes avec tous les solutés macromoléculaires pour les dépister, arrêter la perfusion et traiter l’accident. Il est souhaitable d’exclure la GPU. La prévention avec le dextran 1 est obligatoire pour les dextrans.
RISQUE INFECTIEUX
Il pourrait théoriquement se discuter pour les gélatines d’origine bovine. Mais selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (avril 1996), la gélatine est considérée sans danger pour la consommation humaine puisque la préparation passe par un processus d’extraction chimique qui détruit l’infectivité de l’agent responsable de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) [86]. Les fournisseurs de gélatines destinées au remplissage se sont conformés aux mesures de protection contre l’ESB (Journal officiel des Communautés européennes du 12 juin 1996). La préparation comporte une dénaturation de 6 semaines à pH 12, une hydrolyse de base à 115 °C et un chauffage à 138 °C.
RISQUE CÉRÉBRAL
La nature des substituts plasmatiques
utilisables en neurotraumatologie semble maintenant plus clairement définie. Les critères de choix du soluté de remplissage sont dictés par les propriétés de l’endothélium vasculaire cérébral qui diffèrent de celles de l’endothélium vasculaire extracérébral [93]. Ce sont principalement les variations de l’osmolarité qui déterminent les mouvements de l’eau au niveau du cerveau [147]. Cependant, la baisse de la pression oncotique peut aggraver l’oedème cérébral [38]. Il est donc indispensable de maintenir l’osmolarité et sans doute aussi la POC. En présence d’un traumatisme crânien, l’objectif est de maintenir une normovolémie avec une osmolarité normale ou augmentée, au maximum jusqu’à 320 mOsm·L–1. Le Ringer lactate est un produit hypotonique, son osmolalité est de 254 mOsm·kg–1.
Le sérum salé à 0,9 % est isotonique, 304 mOsm·kg–1. In vivo chez l’homme, la perfusion de 2 L diminue de 5 mOsm·L–1 en moyenne l’osmolalité plasmatique avec le Ringer lactate, alors qu’elle est maintenue avec le sérum salé ; elle augmente de 4 mOsm·L–1 avec l’HEA 200/0,6 [23]. Les colloïdes isotoniques d’HEA n’entraîneraient pas d’élévation de la pression intracrânienne lorsque la barrière hématoencéphalique est endommagée. Jusqu’à preuve du contraire, la posologie des HEA doit être strictement respectée pour éviter tout trouble de l’hémostase en raison des multiples accidents hémorragiques rapportés en neurochirurgie avec l’HEA de haut PM et l’HEA 200/0,6 [131]. D’une façon générale, en dehors d’un saignement important et brutal, les solutés de RV ne doivent pas être administrés trop rapidement, afin d’éviter une expansion volémique brutale responsable d’une augmentation de la pression intracrânienne.
Le NaCl 0,9 % (sérum physiologique) est la solution de choix pour le RV, les HEA 200/0,5 pouvant être utilisés lors de nécessité de restauration rapide de la pression artérielle. En revanche, les gélatines désodées et le dextran glucosé sont interdits, d’autant plus que le glucose doit être évité lors de l’ischémie cérébrale.
AUTRES EFFETS SECONDAIRES
Effets sur le système immunitaire
Aucune conséquence clinique néfaste du stockage tissulaire de l’HEA n’est signalée sur le système immunitaire, en particulier du fait de l’absence d’amylase dans le système enzymatique des macrophages.
L’activation T lymphocytaire et la réponse sur la mitogenèse ne sont pas inhibées par tous les solutés macromoléculaires de RV [116].À l’inverse, les cytokines de la réaction inflammatoire diminuent chez le patient septique après RV avec l’HEA 200/0,5 alors qu’elles ne se modifient pas après perfusion d’albumine [20]. En revanche, aucune activité antioxydante n’est trouvée in vitro avec tous les solutés de RV [121].
Effets sur la glycémie
La métabolisation de l’HEA en polymère d’amidon et glucose peut faire craindre un risque d’hyperglycémie. Cependant, la métabolisation progressive de l’HEA aboutit à des molécules de PM de l’ordre de 40 à 50 kDa qui peuvent être filtrées au niveau urinaire sans que le métabolisme ait à se poursuivre jusqu’à la formation de glucose. Ainsi, la glycémie n’augmente pas après perfusion d’HEA 200/0,5 chez le rat sain ou diabétique [54] et chez le volontaire sain [89]. Il n’existe pas de contre-indication à l’emploi d’HEA chez le sujet diabétique ou lors d’ischémie cérébrale.
Effets sur l’amylasémie
L’amylasémie n’est pas modifiée par les dextrans et les gélatines. Chez le volontaire sain, l’amylasémie augmente de deux à trois fois la valeur normale après perfusion de tous les HEA 200/0,5 [34, 67, 89].
L’augmentation maximale d’environ 40 % survient 12 heures après la fin de la perfusion et la normalisation s’effectue entre la 24e et 72e heure. L’élimination urinaire est maximale dès la première heure. La lipasémie est normale.
Le complexe HEA-amylase sérique, encore appelé macroamylasémie, est responsable de l’élévation de l’amylasémie. Cette molécule de grande taille est filtrée au niveau rénal de façon plus lente que l’amylase sérique, expliquant l’accumulation et ainsi l’élévation de l’amylasémie. L’élimination est plus lente en cas d’altération de la fonction rénale [67].
Chez le patient suspect de pancréatite aiguë, il est recommandé de doser l’amylasémie avant la perfusion d’HEA. Si le patient a reçu antérieurement du HEA, la lipasémie doit être dosée.
Effets chez la femme enceinte
Une enquête rétrospective nationale de pharmacovigilance,effectuée dans les maternités françaises avant 1989,
a recensé 45 accidents anaphylactoïdes graves dont 32 imputables aux dextrans, 13 aux gélatines [16]. Avec les dextrans, le choc était toujours très grave pour le foetus et entraînait, beaucoup plus souvent qu’avec les gélatines, une souffrance foetale aiguë avec mort néonatale ou séquelles neurologiques (dans 78 % des cas avec les dextrans et 23 % avec les gélatines). Une hypertonie utérine a été retrouvée dans 65 % des cas.
Cette hypertonie n’a pas été constatée avec les gélatines. Elle semblerait donc spécifique des accidents aux dextrans et participerait à l’aggravation de la souffrance foetale.
Bien que l’HEA 200/0,5 ne franchisse pas la barrière placentaire chez l’animal [84] et qu’aucun accident n’ait été rapporté lors d’utilisation chez la femme enceinte [51], l’usage d’HEA chez la femme enceinte n’a pas l’autorisation de mise sur le marché en France comme pour les dextrans et gélatines. Le RV doit être effectué avant l’accouchement avec des cristalloïdes ou de l’albumine.