Hémofiltration

Les méthodes d’épuration extrarénale se sont enrichies d’une gamme de techniques utilisant le transport convectif. Ce dernier autorise, à la façon du glomérule, la filtration de très grandes quantités de fluides et le passage de substances d’un poids moléculaire inférieur à 30 000 Da. L’importante quantité de liquide ultrafiltré doit être compensée par l’administration d’un liquide de substitution dont la composition est adaptée afin de rétablir l’équilibre hydroélectrolytique souhaité. Ces techniques peuvent être mises en oeuvre de diverses façons dont seule la méthode veinoveineuse est aujourd’hui utilisée en pratique régulière. Elle utilise des dispositifs qui asservissent les entrées aux sorties de façon à ne pas induire de situations d’hypovolémie ou de déshydratation.
La maîtrise des aspects pratiques de ces techniques est essentielle pour assurer leur réussite.Voies vasculaires, anticoagulation, modificationspharmacocinétiques, équilibre nutritif, monitorage doivent faire l’objet d’une formation spécifique du personnel médical et paramédical utilisant ces méthodes.
Mots-clés : hémofiltration, insuffisance rénale aiguë.
Introduction
Depuis les années 1970,les techniques d’hémofiltration continue (HFC) se sont
progressivement imposées comme méthode thérapeutique pour la prise en charge de l’insuffisance rénale aiguë (IRA) en réanimation à la place de l’hémodialyse intermittente (HDI) [13]. Cet état de fait résulte de propriétés spécifiques de cette famille de méthodes d’épuration extrarénale dont la réalité est bien établie mais aussi de préférences individuelles de sorte que la question d’un choix étayé entre HFC et HDI reste difficile.
Quoi qu’il en soit, il est probable que les deux types de techniques soient d’efficacité équivalente lorsqu’il s’agit simplement de suppléer la fonction rénale à condition qu’elles soient correctement mises en oeuvre.
Toutefois, l’expérience de ces techniques relativement invasives apprend qu’elles sont susceptibles, en cas d’erreur, de défaillance matérielle ou de manque d’habitude, d’entraîner des complications graves. Leur emploi requiert donc une solide formation préalable ainsi qu’une parfaite compréhension de leur mode de fonctionnement.
Principes
PRINCIPE DE L’HÉMOFILTRATION
Au cours de l’HFC, les échanges se réalisent par transport convectif : seul le gradient de pression hydrostatique détermine le passage des substances et de leur soluté. Dans le cas typique, il n’y a pas de différence de pression oncotique de part et d’autre de la membrane.
Toutes les molécules dont l’encombrement stérique est compatible avec la dimension des pores membranaires peuvent fuir du plasmavers l’extérieur. On exprime souvent cette caractéristique par la notion de « point de coupure » [11].
Il s’agit du poids moléculaire limite des molécules qu’une membrane laisse passer. Cette mesure est seulement schématique car, d’une part, la limite de perméabilité s’opère graduellement et, d’autre part, parce qu’elle est variable pour un même poids moléculaire d’une molécule à l’autre. En effet, d’autres facteurs influent sur la capacité de passage des molécules comme leur charge électrique ou leur degré de liaison protéique. La molécule qui passe le mieux par convection est la plus petite et la plus abondante du plasma : l’eau. Le liquide ainsi obtenu est dénommé « ultrafiltrat » (UF). Il contient toutes les substances ayant la capacité de passer la membrane qui s’y retrouvent à des concentrations proches de leur concentration plasmatique. Il en résulte que la clairance des molécules est à peu près égale au débit d’ultrafiltration. L’eau n’échappe pas à ce principe et sa clairance est égale au débit d’ultrafiltration, faisant de l’hémofiltration la méthode diurétique la plus puissante possible. Cette « diurèse forcée » emporte les petites molécules sans discrimination, qu’elles soient à considérer comme des déchets du métabolisme que l’on évalue en clinique par la surveillance de l’urée et de la créatinine ou qu’elles soient des molécules physiologiques comme les électrolytes ou les acides aminés. Ainsi, une HFC efficace repose sur un transport convectif d’environ 20 L/j chez un adulte. Il est évident que même si une déplétion hydrique importante est souhaitée, une large part de cette perte hydrique doit être compensée : ce but est atteint par l’administration de liquide de substitution (ou de « restitution »). Ce remplacement se fait à l’aide d’une solution (spécialité pharmaceutique) dont la composition est similaire à celle du plasma en ce qui concerne les électrolytes. Sa composition peut être délibérément modifiée en cas d’anomalie de l’ionogramme sanguin en vue de corriger ce trouble.
PRINCIPE DE L’HÉMODIALYSE
En revanche, l’HD repose sur le principe physique de diffusion qui entraîne peu de passage de solvant. L’intensité du transport dépend du gradient de concentration, du coefficient de diffusion de la substance considérée, de la composition du dialysat, de la nature de la membrane et de la surface d’échange. La vitesse de transfert est inversement proportionnelle au poids moléculaire de la substance.
En cas de fort gradient de concentration entre le plasma et le dialysat, le transport est maximal. L’HD peut donc être très efficace pour les molécules anormalement présentes en grandes quantités. Il s’agit en général de molécules de petite taille. Les faibles transferts volumiques de l’HD font qu’il n’y a pas besoin de substitution ; en pratique, la part convective d’une séance d’HDI dépasse rarement 2 à 3 L.
PLACE RESPECTIVE DES DEUX PRINCIPES PHYSIQUES
Ainsi, les molécules de faible poids moléculaire et présentes en grand nombre comme l’urée, le potassium ou la créatinine sont principalement éliminées par diffusion (HD) alors que celles dont le poids moléculaire est plus élevé mais dont la taille reste inférieure à celle des pores de la membrane, telle la myoglobine, et qui se trouvent en faible nombre dans le soluté sont mieux éliminées par convection (hémofiltration). Sur le plan théorique, les deux techniques sont donc complémentaires et le choix de l’une ou de l’autre devrait dépendre de ce que l’on souhaite éliminer. Hélas, cette dernière question n’est pas totalement résolue ; de nombreux indices reflétant la qualité de l’épuration extrarénale se sont imposés, comme l’urémie et la créatininémie dans le cadre de la suppléance rénale chronique. On peut toutefois au moins formuler l’hypothèse que les buts à atteindre lors des situations d’IRA où la défaillance rénale n’est que l’une des composantes du tableau clinique sont différents.
Au plan de l’efficacité, les deux techniques atteignent à peu près les mêmes objectifs de suppléance rénale mais l’HFC est utilisée en continu là où l’HDI se pratique en séances de 4 à 5 heures. On peut donc en conclure que cette dernière est, rapportée au temps d’utilisation, de 5 à 6 fois plus « puissante » en matière d’épuration.