Hémorragie résistante au sulprostone

HPP : Aspects épidémiologiques
Définitions Facteurs de risque Étiologies Pathologies de la délivrance, décollement et l’évacuation complète du placenta la vacuité utérine ; la rétraction utérine Anomalies de l’insertion placentaire placenta prævia, placenta accreta Lésions de la filière génitale Pathologies de l’hémostase
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Prévention : principes de sécurité à appliquer à toute femmeenceinte
Prise en charge initiale d’une hémorragie du post-partum
En cas d’aggravation de l’hémorragie du post-partum
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Place de la chirurgie d’hémostase
Techniques de compressions et de cloisonnements utérins
Le principe de ces techniques est d’assurer une hémostase utérine en comprimant le myomètre par des sutures transfixiantes.
La procédure est habituellement précédée par une compression bimanuelle de l’utérus permettant
de tester l’efficacité de la compression myométriale sur l’arrêt des saignements.
Plicature de B-Lynch (Fig. 7). La première technique de compression myométriale a été décrite par B-Lynch en 1997 sur une série de cinq patientes présentant une hémorragie sévère du post-partum [48]. Dans cette technique, une incision de Pfannenstiel ou la reprise de l’incision de la césarienne est suffisante.
Une hystérotomie segmentaire est d’abord effectuée après décollement vésico-utérin. En cas de césarienne, la sutureutérine est réouverte. Une révision utérine est réalisée et l’utérus est extériorisé.
Elle consiste à passer un fil en bretelle autour du fond utérin comme l’illustre la Figure 7. Les points d’entrée et de sortie sont ainsi noués en avant sur le segment inférieur.
Cette technique présente un taux de succès rapporté dans la littérature proche de 95 %. Les auteurs retiennent l’atonie utérine comme indication princeps, les causes d’erreurs rapportées étant la présence d’un placenta percreta, la survenue d’une CIVD ou une erreur technique.Capitonnage multipoint (Fig. 8). Une compression par cloisonnement des deux faces utérines a été proposée. La technique décrite par Cho [49] consiste à réaliser à l’aiguille droite un capitonnage en carré du myomètre. Plusieurs sutures multipoints en cadre sont effectuées, adossant ainsi la face antérieure de l’utérus à sa face postérieure en prenant soin d’éviter la portion interstitielle des trompes.
Aucun échec de cette technique n’a été rapporté dans la littérature [49].
Ligatures vasculaires
La Figure 9 rappelle la vascularisation normale de la filière génitale.
Ligature bilatérale des artères hypogastriques (Fig. 10). Les premiers cas de ligature des artères hypogastriques ont été décrits dès les années 1960 [51]. Il s’agit donc de la plus ancienne technique chirurgicale pratiquée dans le cadre du traitement conservateur des hémorragies graves du post-partum.
Cette technique nécessite une voie d’abord abdominale, l’incision utilisée pour effectuer la césarienne étant en général suffisante pour ce geste.
La ligature se fait au fil résorbable environ 2 cm sous la bifurcation en prenant garde de ne pas blesser la veine. On vérifie à la fin de la procédure les pulsations de l’artère iliaque externe. Le même geste est réalisé de l’autre côté [52].
Certains auteurs ont proposé d’associer une ligature bilatérale des ligaments lombo-ovariens et des ligaments ronds afin d’optimiser les chances de succès.
Le taux de succès est très variable dans la littérature, variant de 42 à 93 %[53]. Les causes utérines (atonie, placenta accreta) sont une source importante d’échecs. Des complications sont possibles (plaie veineuse, ligature des uretères, ligature de l’artère iliaque externe, lésions nerveuses périphériques).
Ligature bilatérale des artères utérines. Les premiers cas de ligature bilatérale des artères utérines ont été décrits par O’Leary en 1966 [50, 54]. Il s’agit d’une procédure facile et rapide à réaliser.
La technique habituelle nécessite une voie d’abord abdominale utilisant l’incision de césarienne. Un décollement du péritoine vésico-utérin et une section des ligaments ronds sont généralement nécessaires pour exposer les pédicules mais non obligatoires. L’utérus est extériorisé et tracté vers le haut. Une ligature au fil résorbable est effectuée 2 à 3 cm environ sous la ligne habituelle d’hystérotomie de la césarienne.
Cette ligature prend en masse la branche ascendante de l’artère utérine en s’appuyant sur le myomètre. La même ligature est ensuite réalisée du côté opposé.
Cette technique de ligature a aussi été décrite en utilisant la voie vaginale [55].
Le taux de succès rapporté varie de 80 à 96 % des cas. Les échecs ont été rapportés en cas d’anomalies d’insertion placentaire et de CIVD grave.
Triple ligature de Tsirulnikov (Fig. 11). Tsirulnikov a proposé en 1979 de compléter la ligature des vaisseaux utérins par une ligature des artères ovaro-utérines et des artères du ligament rond [56]. La ligature de la branche ascendante de l’artère utérine est effectuée selon la technique décrite par O’Leary après section et ligature du ligament rond et ouverture du péritoine vésico-utérin. Une ligature du ligament utéroovarien est ensuite réalisée. La triple ligature est effectuée de la même manière du côté opposé.
Le taux de succès rapporté par l’auteur est de 100 % sur une série de 24 patientes. L’atonie utérine semble être la principale indication.
Ligatures étagées ou « stepwise » (Fig. 12). Cette technique a été décrite par Abdrabbo en 1994 [57]. Son principe est d’instaurer une dévascularisation utérine progressive en plusieurs étapes. Chaque étape n’est réalisée qu’en cas de persistance des saignements 10 minutes après chaque ligature. La première étape est la ligature bilatérale des artères utérines précédemment décrite. En cas de persistance des saignements sont réalisées successivement : une ligature basse des artères utérines et des pédicules cervicovaginaux (ligature réalisée quelques centimètres en dessous de la précédente), une ligature bilatérale des pédicules lombo-ovariens.
Dans sa propre série de 103 patientes, Abdrabbo rapporte un taux de succès de 100 % et aucune complication n’a été décrite.
Indications
Le choix d’une méthode chirurgicale dépend de l’origine des saignements. Un bilan lésionnel complet doit au préalable être effectué.
La rapidité de la prise en charge estun facteur
majeur d’efficacité du traitement chirurgical, la réalisation de multiples techniques doit être évitée [58].
En cas d’atonie utérine, les techniques de compression utérine peuvent être réalisées. Une compression bimanuelle doit vérifier avant le geste l’efficacité d’une telle méthode. La technique de B-Lynch et le capitonnage de Cho semblent tous deux donner de bons résultats. La technique de B-Lynch n’est cependant pas toujours facile à exécuter dans l’urgence si l’opérateur ne connaît pas par avance chaque étape de la procédure. Une autre alternative est la réalisation d’emblée d’une ligature étagée, la ligature des artères utérines et des ligaments ronds suffisant bien souvent dans ces cas.
L’hystérectomie reste indiquée en cas d’échec de ces procédures.
En cas d’anomalies d’insertion placentaire, si une technique conservatrice placentaire efficace n’a pas pu être réalisée, une ligature étagée peut être proposée avec nécessité d’une dévascularisation utérine souvent complète (ligature des ligaments lombo-ovariens). Une hystérectomie est réalisée en cas d’échec.
En cas d’hémorragie du segment inférieur (placenta prævia),
la dévascularisation du segment inférieur est possible en réalisant une ligature étagée avec suture basse des artères utérines et des pédicules cervico-utérins. Un capitonnage du segment inférieur peut aussi être réalisé.
En cas de cause extra-utérine (délabrement cervicovaginal par traumatisme obstétrical ou thrombus vaginal), les ligatures proximales gardent leur intérêt si une technique d’embolisation n’est pas disponible. Une ligature des artères hypogastriques peut alors être réalisée.
En cas de CIVD, une ligature étagée complète est indiquée.
En cas d’échec une ligature des artères hypogastriques, voire une hystérectomie, doivent être réalisées.
Place de l’embolisation (Fig. 13, 14)
L’embolisation artérielle d’hémostase est pratiquée depuis plusieurs décennies en cas de saignement incoercible lié à des traumatismes graves du bassin ou des cancers gynécologiques ou urologiques inopérables [59].
Son utilisation sporadique lors des hémorragies de la délivrance est rapportée depuis une vingtaine d’années. Ses bons résultats ont conduit à organiser des centres spécialisés pluridisciplinaires offrant cette option thérapeutique 24 h/24 [60].
La procédure est réalisée en salle de radiologie vasculaire, en présence d’une équipe médicale qui poursuit la réanimation durant l’embolisation.
L’administration d’administration de sulprostone (Nalador®) peut être transitoirement arrêtée durant la procédure d’embolisation en cas de spasme sévère pouvant gêner le geste.
Un abord artériel unifémoral classique sous anesthésie locale précède le cathétérisme des artères hypogastriques. L’artériographie préembolisation permet le repérage et l’analyse de l’artère utérine.
On évalue ainsi la possibilité de la cathétériser sélectivement en peu de temps, selon son anatomie et l’importance du spasme [31, 61].
En cas d’atonie (cas le plus fréquent), l’artère utérine est très étendue, remontant au-dessus de la bifurcation aortique, sans extravasation de produit de contraste. Plus rarement, on visualise des traumatismes vasculaires directs sous forme de flaque d’origine artérielle ou de fistule artérioveineuse, en général au niveau de la filière génitale.
L’embolisation intéresse si possible les artères utérines, et éventuellement les troncs antérieurs de l’hypogastrique.
Dans tous les cas,
l’embolisation doit être bilatérale en raison de la richesse des anastomoses pelviennes, en particulier transutérines.
Les troncs postérieurs de l’artère hypogastrique sont respectés dans la mesure du possible, afin d’éviter une claudication fessière transitoire et surtout une ischémie sciatique par occlusion des artères sacrées latérales.
Un contrôle final en grand champs permet de s’assurer de l’absence de reprise distale de l’artère utérine par des collatérales.
L’occlusion vasculaire est effectuée à l’aide de fragments de gélatine résorbables (Curaspon®), ce qui entraîne une diminution temporaire du flux artériel permettant la cicatrisation de la muqueuse utérine.
Pendant ces quelques jours, la vascularisation utérine est assurée par des branches accessoires : artères ovariennes et du ligament rond essentiellement.
Beaucoup plus rarement, en cas de plaie vasculaire (fistule artérioveineuse, section d’un rameau artériel notable), on réalise une occlusion définitive à l’aide de matériaux divers : cyanoacrylate, coils.
Une embolisation peut également être réalisée en cas de persistance d’un saignement après hystérectomie ou ligature vasculaire. On recherche alors une absence d’étanchéité des ligatures vasculaires, ou une vascularisation de la zone hémorragique par des collatérales.
Les troubles de l’hémostase ne contre-indiquent pas, bien au contraire, l’embolisation.
Le taux de succès de l’embolisation rapporté dans la littérature est supérieur à 90 %, indépendamment de l’étiologie.En outre,
on observe assez fréquemment une amélioration des paramètres hémodynamiques dès la fin de la procédure,
l’occlusion des artères utérines en post-partum excluant un secteur vasculaire à basses résistances.En cas de reprise du saignement, il faut effectuer une nouvelle artériographie à la recherche d’une reperméabilisation des vaisseaux embolisés. Celle-ci est en général liée à une levée du spasme artériel, et nécessite une embolisation complémentaire.
Il faut également rechercher l’absence de revascularisation utérine notable par les artères ovariennes et du ligament rond, ou par les honteuses externes en cas de plaie cervicovaginale.
Dans notre expérience, une seconde embolisation est nécessaire dans moins de 10 % des cas.
Hystérectomie d’hémostase
Le risque principal estde retarder sa réalisationen cas de choc hémorragique résistantaux différentes procédures conservatrices, chirurgicales ou par radiologie interventionnelle [6].
On réalise classiquement une hystérectomie interannexielle subtotale, laissant le col en place. Les anomalies de placentation telles que le placenta prævia ou le placenta accreta peuvent engendrer un saignement d’origine isthmique ou cervical nécessitant alors de compléter l’hystérectomie par l’ablation du col.
On peutretenir comme indication de l’hystérectomie d’hémostaseun
syndrome hémorragique cataclysmique empêchant d’envisager le transfert de la patiente vers un centre expert ou un syndrome hémorragique persistant malgré les tentatives de prise en charge conservatrice (embolisation artérielle, capitonnage utérin et/ou ligatures vasculaires).