Hypercalcémie : conséquences et traductions cliniques

Les différents rôles physiologiques joués par le calcium expliquent le nombre et la gravité des dysfonctionnements survenant lors d’un non-maintien de la calcémie dans la limite des valeurs physiologiques.
Conséquences cardiaques
La dépolarisation de la cellule myocardique et la contraction cardiaque sont le résultat de mouvements ioniques où le calcium ionisé joue un rôle de premier plan (Fig. 2). La première phase de dépolarisation de la membrane cellulaire est due à l’entrée rapide de sodium dans la cellule puis la repolarisation rapide correspond à la sortie de potassium de la cellule. Enfin, l’ouverture des canaux calciques voltage-dépendants permet d’une part l’entrée de calcium ionisé dans la cellule, d’autre part la libération des stocks de calcium intracellulaire. Ce calcium libre intracytoplasmique va se fixer à la troponine C et entraîner l’interaction actine-myosine et la contraction myocardique. La relaxation des myocytes intervient lorsque la pompe ATPase réintègre le calcium dans le réticulum sarcoplasmique et le fait sortir de la cellule grâce à l’échange avec des ions Na+. La diminution du Ca++ intracellulaire permet la libération de troponine C, l’arrêt de l’interaction actine-myosine et larelaxation des myocytes.
Une hypercalcémie, en augmentant le gradient entre l’extérieur et l’intérieur de la cellule, accélère l’entrée du calcium lors de l’ouverture des canaux calciques et donc raccourcit la durée de la dépolarisation (Fig. 2). Sur le tracé électrocardiographique (ECG), l’effet de l’hypercalcémie se traduit par un raccourcissement du segment ST, ce que l’on évalue en pratique par la mesure de l’intervalle QT corrigé. Il existe alors une hypersensibilité aux digitaliques dont la toxicité est augmentée.En cas d’hypercalcémie sévère (> 3,5 mmoles/l), ce qui survient lors des crises hypercalcémiques de l’hyperparathyroïdie, ces effets peuvent être à l’origine de troubles du rythme ventriculaires (tachycardie, fibrillation ventriculaire) qui requièrent un traitement immédiat. [37] On décrit également dans ce cadre des troubles de conduction tels que des blocs sinoauriculaires ou auriculoventriculaires.
L’augmentation de la calcémie est utilisée en clinique pour antagoniser les effets de l’hyperkaliémie : en effet, l’hyperkaliémie, en diminuant le gradient entre l’extérieur et l’intérieur de la cellule myocardique, augmente le potentiel de repos et accroît l’excitabilité des cellules tout en ralentissant la conduction.
Le calcium, que l’on utilise alors sous forme de sels injectables, augmente le potentiel de repos et corrige l’excitabilité et les troubles de conduction dus à l’hyperkaliémie.
Conséquences musculaires
Le calcium joue également un rôle de premier plan dans la contraction des fibres musculaires lisses :la dépolarisation des cellules musculaires, qu’elle soit due à des mécanismes séquentiels myogéniques ou à une action neurologique ou
hormonale, entraîne une brusque augmentation du calcium cytosolique.
Ce calcium intracytoplasmique se lie à la calmoduline, activant ainsi une protéine kinase entraînant la phosphorylation de la myosine et l’activation du complexe actine-myosine. L’augmentation du calcium extracellulaire pourrait entraîner une augmentation du tonus des fibres musculaires lisses, en particulier vasculaires. On expliquerait ainsi l’hypertension artérielle fréquente dans l’hyperparathyroïdie primitive ou lors des crises parathyrotoxiques.
Conséquences neurologiques
Le rôle de l’hypercalcémie dans le tableau neurologique, décrit en particulier dans l’hyperparathyroïdie primitive et qui comporte des troubles psychiatriques, des troubles de conscience pouvant aller jusqu’au coma, avec une dépression de l’activité électroencéphalographique (EEG), n’est pas encore parfaitement déterminé. Néanmoins, des études expérimentales ont pu montrer une action de concentrations
extracellulaires élevées de calcium sur l’activité automatique des neurones thalamiques.
[9]En clinique, des troubles neurologiques graves ont été décrits dans le cadre d’une hyperparathyroïdie.[20]Sur le muscle,
l’hypercalcémie altère l’excitabilité neuromusculaire et peut être responsable d’une diminution de la force musculaire avec une fatigabilité importante entrant dans le cadre du tableau clinique de l’hyperparathyroïdie où l’électromyogramme et la biopsie musculaire ne montrent pas de lésion spécifique.En revanche, l’augmentation du calcium ionisé plasmatique semble entraîner, chez l’animal et en clinique, [10, 25] une diminution de la sensibilité aux curares dépolarisants avec modification de leur pharmacodynamie.
Conséquences rénales
Le retentissement de l’hypercalcémie sur le rein est responsable des signes cliniques les plus parlants que sont la polyurie et la polydipsie. Du fait de l’activation du récepteur calcique rénal, l’hypercalcémie entraîne des modifications de la réabsorption du sodium et de l’eau. Il existe une inhibition de l’activité de la pompe Na+ -K+ -ATPase dans le tube proximal avec diminution de la réabsorption de Na+ ainsi qu’une inhibition
du cotransporteur Na+ -K+ au niveau de la branche ascendante de l’anse de Henle avec, ici encore, diminution de réabsorption de Na+ mais aussi de Ca++ et de Mg++.Il existe également une perte d’eau du fait de l’inhibition de la création du gradient osmotique corticomédullaire nécessaire à l’action de l’antidiuretic hormone (ADH) sur le tube collecteur. L’hypercalcémie induit enfin une acidurie par augmentation de la réabsorption tubulaire des bicarbonates et de l’excrétion d’acides qui, avec la contraction des volumes extracellulaires, sont responsables de l’alcalose métabolique souvent associée à l’hypercalcémie.