Les curares

Curares de courte durée d’action
- Mivacurium (Mivacron®)
- Atracurium (Tracrium®)
- Cisatracurium (Nimbex®)
Curares de longue durée d’action
Pancuronium (Pavulon®)
Curares ultracourts
- Org 9487
- Suxaméthonium (Célocurine®)
INTRODUCTION
Plus de quatre siècles se sont écoulés entre la découverte par Sir Walter Raleigh d’un poison dans lequel les Indiens d’Amérique du Sud trempaient leur flèche et l’utilisation, par Griffith et Johnson en 1942, d’intocostrin ou d-tubocurarine pour provoquer un relâchement musculaire lors d’une anesthésie générale. Dès 1943, Wintersteiner et Dutcher réussissaient à extraire des quantités suffisantes de d-tubocurarine à partir de chondodendron tomentosum pour débuter la commercialisation, ce qui a permis l’essor de l’anesthésie balancée. Depuis la d-tubocurarine, de nombreux curares sont apparus mais la majorité des molécules actuellement disponibles chez l’homme est obtenue par synthèse.
La marge de sécurité des curares au cours de ces 50 dernières années s’est trouvée améliorée grâce à la synthèse de molécules présentant peu ou pas d’effets secondaires.
L’emploi des curares reste limité à l’anesthésie-réanimation, la présence d’un matériel d’intubation et d’assistance ventilatoire étant indispensable avant toute administration.
CURARES NON DÉPOLARISANTS
Propriétés générales
Mode d’action
Les curares agissent essentiellement en se fixant sur les récepteurs cholinergiques nicotiniques de la jonction neuromusculaire.
Récepteur cholinergique (fig 1)
Le récepteur nicotinique postsynaptique est constitué de cinq sous-unités protéiques arrangées en forme de rosette dont le centre devient perméable sous l’effet de l’agoniste approprié. Deux sous-unités α sont identiques mais séparées par une unité β, les deux autres sous-unités sont appelées δ et . Les récepteurs foetaux et extrajonctionnels possèdent une unité γ au lieu d’une unité .
Chacune de ces sous-unités est une protéine dont les deux terminaisons se trouvent du côté extracellulaire de la membrane. Lorsque le récepteur est au repos, les domaines membranaires des cinq sous-unités se touchent de sorte que le récepteur ou canal est bouché. La partie extracellulaire a la forme d’un entonnoir et constitue à peu près la moitié du récepteur. Lorsque le récepteur est ouvert, la partie la plus étroite de l’entonnoir mesure 0,65 nm ce qui permet juste le passage des ions positifs comme le Na+ et le K+. Le poids moléculaire du récepteur est d’environ 250 kDa [151]. La densité des récepteurs cholinergiques au niveau de la plaque motrice est d’environ 10 000/μm2 au niveau des crêtes des replis. En revanche, la densité des récepteurs extrajonctionnels est faible (20/μm2) [198].
La molécule d’acétylcholine a une affinité particulière pour les sous-unités α. Le récepteur ne devient activé que s’il y a deux molécules d’acétylcholine liées simultanément à chacune de ces deux sous-unités. Il en résulte un changement de conformation des protéines du récepteur qui va provoquer l’ouverture du centre de la rosette et le passage des ions. Le délai d’ouverture d’un canal est d’environ 10 μs pour une durée d’ouverture de 1 ms. Les ions Na+ sont en quantité beaucoup plus importante à l’extérieur, ils sont attirés vers l’intérieur de la cellule en raison d’une part du potentiel intracellulaire négatif, et d’autre part du gradient de concentration favorable. La sortie des ions K+ est freinée par le potentiel électrique négatif. L’entrée d’ions positifs entraîne une dépolarisation dont l’amplitude dépendra du nombre de récepteurs activés et donc du nombre de vésicules d’acétylcholine libérées lors de la stimulation nerveuse. Un quantum d’acétylcholine (10 000 molécules environ) active environ 1 700 récepteurs [24].
Sachant qu’il faut deux molécules d’acétylcholine par récepteur, 3 400 molécules environ vont être utilisées pour produire une dépolarisation de 0,5 à 1 mV, les autres molécules d’acétylcholine étant hydrolysées par l’acétylcholinestérase ou diffusant à l’extérieur de la fente synaptique [64]. Lors de l’arrivée d’un potentiel d’action dans la terminaison nerveuse, 200 quanta d’acétylcholine en moyenne sont libérés ce qui permet d’activer environ 340 000 récepteurs de la plaque motrice, ce qui est plus que suffisant pour produire un changement de potentiel au niveau de la plaque motrice appelé ” potentiel de plaque ” [120]. Ce potentiel a une amplitude d’au moins 40 à 50 mV au-dessus du potentiel de repos [24]. C’est ce potentiel de plaque qui donnera naissance à un potentiel d’action de la fibre musculaire. En plus des phénomènes de libération par quanta, l’acétylcholine extravésiculaire pourrait atteindre la plaque motrice par un processus de fuite [121].
Canaux ioniques
Le potentiel de plaque va s’étendre à la zone périjonctionnelle qui se caractérise par un grand nombre de canaux sodiques qui peuvent être activés par un changement de potentiel électrique mais sont insensibles à l’acétylcholine. Contrairement au récepteur cholinergique, ils sont orientés vers l’intérieur de la cellule et ne laissent passer que les ions Na+. Le canal sodique en position de repos est fermé. La dépolarisation les active ce qui attire encore plus de Na+ vers l’intérieur de la cellule et provoque l’activation de plus de canaux. L’activation de ces canaux produit un potentiel d’action qui va se propager de proche en proche par activation d’autres canaux sodiques sur toute la longueur de la fibre musculaire. Le processus se termine par une inactivation des canaux sodiques 1 à 2 ms après leur activation et l’ouverture des canaux potassiques permettant une sortie rapide d’ions K+ et la repolarisation membranaire. Le potentiel d’action se propage vers les deux extrémités de la fibre musculaire, il provoque une ouverture des canaux calciques qui laissent entrer le calcium dans la fibre musculaire. Les canaux calciques sont situés sur la membrane cellulaire, sur les culs-de-sac de cette membrane ainsi que sur la membrane du réticulum endoplasmique.
L’ouverture des canaux calciques provoque une arrivée soudaine de Ca++ intracellulaire qui inhibe l’action d’une protéine intracellulaire, la troponine, dont le rôle est d’empêcher l’interaction entre les filaments d’actine et de myosine. Les deux protéines vont alors pouvoir former des ponts entre elles, ce qui aura pour effet de raccourcir les filaments, de les solidifier et d’entraîner la contraction musculaire [60].
Effets postsynaptiques des curares non dépolarisants
Les curares non dépolarisants agissent de façon compétitive en se liant au même site d’action que l’acétylcholine au niveau des sous-unités α [184].
L’administration de curare entraîne une baisse progressive du potentiel de plaque motrice. À partir du moment où le potentiel de plaque ne peut plus atteindre le seuil, il n’apparaît plus de potentiel d’action ni de contraction musculaire. Pour chaque fibre musculaire, il s’agit d’une loi du tout ou rien. Il suffit qu’une seule des deux sous-unités α soit occupée par une molécule de curare pour que le récepteur soit bloqué. Cette interaction est appelée compétitive car l’action des curares non dépolarisants peut être contrecarrée par un excès d’acétylcholine.
Dans ce cas, l’interaction entre l’acétylcholine et le récepteur nicotinique devient plus probable que celle entre le curare et le récepteur en raison de la concentration plus élevée d’acétylcholine. Les curares non dépolarisants pourraient aussi obstruer le récepteur cholinergique en position ouverte car ce sont des molécules contenant une ou deux charges positives et attirées vers l’intérieur de la plaque motrice mais trop grosses pour passer par le canal [24].
Cet effet est probablement négligeable aux concentrations usuelles car il y a en moyenne 140 000 à 1 400 000 fois plus d’ions Na+ que de molécules de curare non dépolarisant dans la fente synaptique.
La présence de plus de récepteurs qu’il n’en faut pour atteindre le seuil pour la propagation d’un potentiel d’action est connue sous le nom de marge de sécurité.
Un curare doit se lier à un grand nombre de récepteurs avant que n’apparaisse un bloc neuromusculaire (tableau I). Chez le chat, au moins 75 % des récepteurs, au niveau du muscle tibial postérieur, doivent être occupés par un curare non dépolarisant pour que la paralysie s’installe, le bloc complet n’étant obtenu que lorsque 92 % environ des récepteurs sont occupés [183]. Quoique les chiffres exacts puissent être différents selon les espèces et/ou les muscles étudiés [239], le principe demeure : la curarisation se produit à l’intérieur d’une fourchette de fréquence d’occupation des récepteurs relativement étroite [24].
Effets présynaptiques des curares non dépolarisants
Il existe des récepteurs nicotiniques cholinergiques au niveau des terminaisons nerveuses présynaptiques. Le rôle de ces récepteurs serait de permettre un rétrocontrôle positif et la mobilisation des vésicules d’acétylcholine présynaptiques pour que sa libération soit maintenue lors des stimulations à haute fréquence [25]. L’acétylcholine augmenterait sa propre mobilisation par une activation des canaux calciques avec entrée de calcium qui se combinerait avec la calmoduline pour entraîner une inhibition de la synapsine I et un mouvement des vésicules vers les zones actives [25]. Plusieurs faits sont en faveur du rôle de ces récepteurs. L’application d’acétylcholine directement au niveau de la plaque motrice n’entraîne pas de diminution de potentiel de plaque lorsque la fréquence est élevée. De même, la quantité d’acétylcholine diminue peu lors d’une stimulation à haute fréquence alors que la présence d’un curare non dépolarisant accentue cette baisse [94]. Ces faits indiqueraient que l’épuisement en présence de faibles doses de curare non dépolarisant n’est pas un phénomène postsynaptique mais est lié au blocage de ces récepteurs présynaptiques.
Effets sur le système nerveux autonome (tableau II)
Tableau II. – Effets des curares sur le système nerveux autonome et
l’histaminolibération.
Curares | Effets
ganglionnaires |
Effet sur les récepteurs
muscariniques cardiaques |
Effets
sympathomim étiques |
Histaminolibération |
Org 9487 | – | + | – | – |
Mivacurium | – | – | – | + |
Atracurium | – | – | – | + |
Cisatracurium | – | – | – | |
Rocuronium | – | – | – | |
Vécuronium | – | – | – | – |
Pancuronium | – | + | – | |
Suxaméthonium | Transmission | Stimulation | – | + |
Ces effets sont tous dose dépendants, additifs. Leur intensité n’est pas diminuée par le ralentissement de la vitesse d’injection.
Effet ganglioplégique
Cet effet est lié au blocage des récepteurs nicotiniques postsynaptiques situés au niveau ganglionnaire. Il peut être mis en évidence, chez le chat, en mesurant la contraction de la membrane nictitante secondaire à une stimulation sympathique ainsi que l’inhibition de la bradycardie induite par une stimulation vagale. L’effet ganglioplégique a été observé essentiellement avec la d-tubocurarine, où il survient à des doses proches des doses curarisantes [110]. Il est quasiment inexistant avec les curares stéroïdiens, l’atracurium ou le mivacurium, car il faut des doses au moins 50 fois supérieures aux doses curarisantes.
Effets sur les récepteurs muscariniques
L’inhibition des récepteurs muscariniques M2 situés au niveau du noeud sinusal peut être responsable d’une tachycardie. Cet effet est mis en évidence chez l’animal en mesurant l’intensité de la bradycardie secondaire à une stimulation vagale [110] ou à l’administration d’un agoniste muscarinique telle la méthacholine [23]. Les éventuelles propriétés vagolytiques d’un curare sont appréciées par le rapport DA50 vagolytique/DA50 curarisante. Le rapport DA50 vagolytique/DA50 curarisante est aux environs de 4 pour le pancuronium alors qu’il est de 25 pour l’atracurium [111] et 80 pour le vécuronium [221]. De tous les curares non dépolarisants, la gallamine est le plus vagolytique, le rapport étant égal à 0,6 [110]. Les effets vagolytiques de la gallamine apparaissent à des doses inférieures aux doses curarisantes. Le rapport DA50 vagolytique/DA50 curarisante est égal à 0,6 pour la d-tubocurarine mais il est la conséquence de récepteurs muscariniques de type M3 qui sont situés dans les vaisseaux et sont impliqués dans les phénomènes de vasodilation.
Il existe également des récepteurs présynaptiques muscariniques de type M2 au niveau des terminaisons noradrénergiques. Ces récepteurs auraient pour rôle du diminuer la libération de noradrénaline. En bloquant ces récepteurs, le pancuronium et la gallamine augmenteraient la libération de noradrénaline ce qui majorerait la tachycardie liée à leurs propriétés vagolytiques [24, 232].
D’autres récepteurs muscariniques de type M2 sont présents au niveau des interneurones dopaminergiques de type SIF (small intensely fluorescent). Ces neurones sont activés par l’acétylcholine libérée par les collatérales des fibres cholinergiques préganglionnaires. La dopamine libérée par ces neurones entraîne une hyperpolarisation des neurones postganglionnaires adrénergiques, ce qui entraîne une inhibition de la transmission ganglionnaire [23, 24]. Le bloc de ces récepteurs muscariniques induit par la gallamine et le pancuronium entraîne une facilitation de la transmission ganglionnaire et de l’activité sympathique [91, 92].
Effets sur la libération et le recaptage de la noradrénaline
Le pancuronium et le fazadinium bloquent le recaptage neuronal de la noradrénaline [57, 196] (type 1) au niveau du muscle cardiaque et des fibres lisses.
Bien que cet effet apparaisse pour de fortes doses, c’est ce mécanisme qui expliquerait l’éventuelle augmentation de concentration plasmatique des catécholamines observée chez certains patients [173], tels ceux porteurs d’un phéochromocytome. Cet effet serait aussi à l’origine des interactions observées avec d’autres médicaments capables de bloquer le recaptage des catécholamines, tels les imipraminiques. Des tachycardies, voire l’apparition de troubles du rythme, ont été décrits chez des patients traités de façon chronique par de l’imipramine et ayant été anesthésiés avec une association halothanepancuronium [78].
L’atracurium peut inhiber le recaptage de type 1 et de type 2 (extraneuronal) mais à des concentrations très supérieures à celles entraînant un bloc neuromusculaire [24].
Libération d’histamine
Histaminolibération non spécifique
De nombreux composés basiques chargés positivement peuvent entraîner une histaminolibération. Le mécanisme est lié à la fixation et à l’action directe du curare à la surface des mastocytes et des basophiles ce qui va entraîner une libération d’histamine, le calcium étant impliqué dans ce mécanisme.
L’histaminolibération non spécifique est une exagération de l’effet pharmacologique. Elle n’est pas médiée par des anticorps et survient sans exposition antérieure au produit. Elle est favorisée par la vitesse d’injection du curare, la dose [200] ainsi que l’existence d’un terrain atopique [133]. La traduction clinique d’une histaminolibération non spécifique est habituellement moins sévère que lors d’une réaction immunologique car la libération d’histamine est moins massive [133]. La d-tubocurarine est fortement histaminolibératrice, celleci survenant pour des doses proches des doses curarisantes. Une dose de 500 à 600 μg/kg en 30 secondes multiplie par 4 à 6 les concentrations d’histamine plasmatique. Les autres benzylisoquinolines (atracurium, mivacurium) entraînent une histaminolibération pour des doses égales à trois fois la DA95. Le cisatracurium est le premier curare de ce groupe quasiment dénué d’effets histaminolibérateurs aux posologies usuelles. Les curares stéroïdiens n’entraînent pas d’histaminolibération. Les curares semblent induire une histaminolibération préférentiellement à partir des mastocytes cutanés plutôt qu’à partir des mastocytes pulmonaires comme ce peut être le cas avec le propofol [150]. Elle peut se traduire cliniquement par une éruption cutanée transitoire au niveau du visage et du cou, une tachycardie, voire une baisse transitoire de la pression artérielle pendant les 5 minutes suivant l’injection.
Anaphylaxie
Les accidents allergiques peuvent survenir avec n’importe quel curare. Il s’agit de réactions d’hypersensibilité immédiate (type I) liées à la production d’IgE (immunoglobulines E) spécifiques qui se fixent sur les récepteurs spécifiques membranaires des mastocytes tissulaires et des basophiles circulants ainsi que sur des récepteurs spécifiques situés sur les plaquettes et les éosinophiles [133].
La partie allergénique des curares est l’ammonium quaternaire. Les patients peuvent avoir été sensibilisés par une exposition antérieure à un curare ou à des substances porteuses d’ions ammonium quaternaires (agents cosmétiques, désinfectants, etc). Ces mécanismes de sensibilisation expliquent la grande fréquence des réactivités croisées entre curares (70 %) ainsi que la possibilité d’accidents chez des patients n’ayant jamais été anesthésiés. L’administration de l’allergène entraîne sa réaction avec les IgE et l’accident anaphylactique par activation membranaire des basophiles et des mastocytes aboutissant à la libération massive de médiateurs préformés (histamine, tryptase, sérotonine) et reformés (prostaglandines, leucotriènes, facteur d’agrégation plaquettaire). En cas d’accident anaphylactique, les signes cliniques sont habituellement au complet et sont souvent plus graves qu’en cas d’accidents anaphylactoïdes [133].
Les curares n’entraînent pas d’activation de la voie du complément.
Activité anticholinestérasique
En raison de leur parenté structurale avec l’acétylcholine, les curares peuvent se fixer sur les sites actifs des cholinestérases et entraîner une éventuelle inhibition de leur activité. L’inhibition de l’acétylcholinestérase d’origine globulaire survient pour des concentrations très supérieures à celles responsables du bloc neuromusculaire et n’a aucune traduction clinique. De même, l’inhibition de la butyrylcholinestérase plasmatique ne survient que pour des doses très élevées, exception faite du pancuronium [220]. L’inhibition de la butyrylcholinestérase par le pancuronium survient pour des concentrations 1 000 fois inférieures à celles observées avec les autres curares non dépolarisants [24]. Le rapport des concentrations inhibant l’activité des cholinestérases de 50 % (I50AChE/I50BuChE) est proche de 5 000 pour le pancuronium alors qu’il est compris entre 2 et 12 pour la majorité des autres curares non dépolarisants.
L’inhibition de la butyrylcholinestérase par le pancuronium explique la longue durée d’action d’une faible dose de mivacurium (10 μg/kg) injectée en fin d’intervention, chez un patient préalablement curarisé par du pancuronium [80].
Relation structure-activité
Les curares non dépolarisants sont tous porteurs d’au moins un groupe ammonium quaternaire, le plus souvent deux, qui permettent la fixation au niveau des mêmes sites que l’acétylcholine sur le récepteur cholinergique. Les deux ammoniums sont séparés par une structure lipophile de taille variable.
Pendant longtemps, on a considéré que la distance entre les deux atomes d’azote devait être comprise entre 12 et 14 A [21]. Cette notion a moins d’importance avec les curares non dépolarisants qu’avec les curares dépolarisants, la distance étant de 10 à 11 A pour certains curares stéroïdiens. À l’opposé, certains dérivés des benzylisoquinolines ont une distance de 18 à 21 A entre les deux ammoniums. De même, l’existence de deux ammoniums quaternaires n’est pas indispensable, le second atome d’azote pouvant être sous forme tertiaire et non quaternaire aux pH physiologiques (d-tubocurarine, vécuronium). La gallamine est le seul curare porteur de trois ammoniums quaternaires [22]. Les curares non dépolarisants sont tous des molécules hydrosolubles diffusant mal en dehors du secteur hydrique extracellulaire en raison de leur ionisation aux pH physiologiques. Le passage de la barrière hématoencéphalique ou foetoplacentaire est donc faible.
Deux grandes familles de curares non dépolarisants existent : les dérivés stéroïdiens et les benzylisoquinolines. La classe des curares stéroïdiens comprend le pancuronium, le pipécuronium, le vécuronium, le rocuronium et l’Org 9487. Ces agents ont en commun leur absence d’effets histaminolibérateurs. Certains peuvent avoir des propriétés vagolytiques (pancuronium). Ils sont tous éliminés par le rein, de plus le vécuronium et le rocuronium sont métabolisés dans le foie. Les benzylisoquinolines ont toutes une parenté structurale avec la d-tubocurarine. Il s’agit de la métocurine, de l’atracurium, du doxacurium, du mivacurium et du cisatracurium. Ces agents sont dépourvus d’effet vagolytique mais sont responsable d’une histaminolibération pharmacologique parfois aux doses thérapeutiques. Leur mode d’élimination varie selon les molécules, même s’ils sont tous excrétés par le rein. Le mivacurium est dégradé par les pseudocholinestérases plasmatiques, l’atracurium et le cisatracurium sont dégradés par la voie de Hofmann.
Influence des paramètres pharmacocinétiques/pharmacodynamiques