Prise en charge initiale d’une hémorragie du post-partum

HPP: Aspects épidémiologiques
Définitions Facteurs de risque Étiologies Pathologies de la délivrance, décollement et l’évacuation complète du placenta la vacuité utérine ; la rétraction utérine Anomalies de l’insertion placentaire placenta prævia, placenta accreta Lésions de la filière génitale Pathologies de l’hémostase
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Prévention : principes de sécurité à appliquer à toute femmeenceinte
En cas d’aggravation de l’hémorragie du post-partum Hémorragie résistante au sulprostone
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Prise en charge initiale d’une hémorragie du post-partum fig 3
Les objectifs de cette prise en charge sont résumés sous forme de schéma dans la Figure 4 [28].
Prise en charge multidisciplinaire immédiate
Tous les intervenants potentiels doivent être prévenus sans délai (obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs,biologiste,sages-femmes, infirmières).La rapidité et l’adaptation de la prise en charge à l’importance de l’hémorragie sont deux éléments primordiaux : il est conseillé d’effectuer un relevé spécifique des pertes sanguines quantitatives ainsi qu’un relevé chronologique (accord professionnel).
Les gestes doivent être réalisés par un personnel formé. En milieu universitaire, les médecins et sages-femmes en formation ont toute leur place, mais doivent être encadrés par un senior.Pour les plus petites maternités, il faut alors envisager l’appel de renforts (astreinte interne à l’établissement ou Samu), l’approvisionnement en PSL en grande quantité et l’évacuation éventuelle de la patiente vers une structure plus lourde.
Identifier la cause du saignement
Les plus fréquentes sont l’atonie utérine,
la rétention placentaire et les plaies cervicovaginales. Les gestes obstétricaux à réaliser immédiatement consistent à s’assurer de la vacuité utérine (accord professionnel) :
- réaliser une délivrance artificielle si la délivrance n’a pas eu lieu ;
- réaliser une révision utérine systématique même si la délivrance semble complète ;
- assurer un massage de l’utérus s’il est hypotonique, vessie vide.
La réalisation prolongée de gestes endo-utérins est associée à l’administration d’une antibioprophylaxie à large spectre (grade C).
Examen de la filière génitale sous valves
Il doit être systématique en cas d’HPP après naissance par voie basse, surtout en cas de manoeuvre d’extraction. L’examen de la filière doit être exhaustif, et réalisé dans des conditions techniques optimales : une aide et une analgésie adaptée sont souvent nécessaires. Les plaies de la filière ou du col peuvent être à l’origine de pertes sanguines importantes et rapides. Les sutures chirurgicales nécessaires doivent être effectuées le plus rapidement possible.
Administration d’utérotoniques de façon systématique
L’ocytocine est préconisée de première intention en cas de survenue d’une HPP : 5 à 10 UI en intraveineuse lente (grade C) suivis d’une perfusion d’entretien : 5 à 10 UI/h pendant 2 heures.
Les prostaglandines ne sont pas recommandées en première intention dans le traitement de l’HPP (accord professionnel).
En cas d’aggravation de l’hémorragie du post-partum (Fig. 5)
Il est nécessaire de recourir aux étapes suivantes du traitement si l’hémorragie persiste au-delà de 15 à 30 minutes (c’est dire l’importance d’un relevé chronologique). Ce délai est à moduler en fonction de l’abondance de l’hémorragie et de la tolérance hémodynamique [29].
Réanimation
Après la transmission des informations par l’équipe médicalisée du Samu,
la réanimation symptomatique est menée parallèlement à l’évaluation multidisciplinaire (gynécologueobstétricien, radiologue interventionnel) [30]. Sur le plan symptomatique, notre attitude est la suivante.
Si l’état hémodynamique de la patiente est stable, la patiente est évaluée et surveillée en salle de « déchocage » sur le plan obstétrical et hémodynamique.
Les médecins anesthésistes-réanimateurs complètent le monitorage hémodynamique de la patiente par la mise en place de cathéters veineux central et artériel, idéalement en fémoral gauche. Il est fortement déconseillé de tenter d’accéder aux veines jugulaires en raison de l’hypovolémie et des troubles de l’hémostase. Il est préférable d’utiliser les vaisseaux fémoraux gauches pour permettre au radiologue interventionnel d’accéder aux vaisseaux fémoraux droits.
Le bilan paraclinique est large et systématique,
à la recherche de complications fréquentes.
Il comprend en particulier un bilan biologique extensif, un dosage de la troponine I et un électrocardiogramme (ECG) à la recherche d’une ischémie myocardique et une radiographie du thorax.
Dès que possible (en pratique pendant la mise en place d’un cathéter fémoral gauche), le médecin gynécologue-obstétricien débute une échographie abdominopelvienne, même en cas d’accouchement par voie basse, à la recherche d’un hémopéritoine et/ou d’une rétention placentaire (visualisation ou non de la ligne de vacuité utérine). Il pratique ensuite (quand les cathéters sont en place) une révision utérine et un examen du col même s’ils ont été réalisés avant le transfert. En effet, les lésions de la filière génitale sont souvent sous-estimées. Leur suture par voie basse peut s’avérer inefficace en raison d’une coagulopathie sévère et/ou d’un oedème important des tissus.
Dans les cas les plus simples,où le saignement semble contrôlé et où aucun geste hémostatique n’est indiqué, la surveillance clinique et biologique est poursuivie en salle de réveil ou en réanimation.
Lorsque le saignement est toujours actif (objectivé par un saignement extériorisé, une aggravation des troubles de l’hémostase, un mauvais rendement transfusionnel, une instabilité hémodynamique persistante), une embolisation artérielle est réalisée en première intention, en particulier en cas d’accouchement par voie basse et d’atonie utérine. Elle est le plus souvent efficace d’emblée [31, 32].
En cas d’hémopéritoine important compliquant une césarienne, une laparotomie est discutée pour réaliser le bilan et la réparation des lésions (rupture utérine, trait de refend). Une embolisation préopératoire nous a plusieurs fois semblé utile mais l’évaluation d’une telle stratégie est difficile.
Traitement pharmacologique de l’atonie utérine
L’atonie utérine peut survenir d’emblée et être la cause de l’HPP ou venir compliquer secondairement une hémorragie d’une autre étiologie, en particulier une lésion de la filière génitale initialement négligée. Elle est quasi constante dans les formes graves. Les différents traitements pharmacologiques de l’atonie ne se conçoivent qu’associés aux gestes obstétricaux destinés à assurer la vacuité et l’intégrité utérine ainsi que la réparation d’éventuelles déchirures cervicovaginales.
Ocytocine (Syntocinon®)
L’ocytocine est un peptide naturel de neuf acides aminés synthétisé à partir d’un précurseur hypothalamique puis transporté et stocké dans la post-hypophyse.
Elle est libérée dans la circulation à partir de stimuli en provenance du col utérin, du vagin et des mamelons, et augmente la fréquence et la force des contractions utérines en agissant sur des récepteurs spécifiques, dont le nombre augmente en fin de grossesse. Le Syntocinon® est un analogue de synthèse de l’ocytocine, disponible sous forme d’ampoules de 5 UI qui doivent être conservées à 4 °C. L’administration de 5 à 10 UI en intraveineuse lente suivie d’une perfusion continue en raison d’une demi-vie courte (15 min) est systématique, lors de tout accouchement, après la délivrance du placenta, car le taux plasmatique spontané d’ocytocine est très variable d’une patiente à l’autre. Il est déconseillé de dépasser 60 à 80 UI j–1 en raison du risque d’hyponatrémie. Cependant, l’injection lente de faibles doses n’a aucun effet [33].
L’ocytocine est un puissant vasodilatateur qui peut être source d’hypotension artérielle si la volémie est insuffisante et/ou en cas d’injection intraveineuse rapide.
L’injection sur voie périphérique est la règle. Les bolus peuvent provoquer des douleurs transitoires au point de perfusion.
Sulprostone (Nalador®)
Les prostaglandines sont de puissants utérotoniques,synergiques de l’ocytocine.
Synthétisées par la cyclo-oxygénase à partir de l’acide arachidonique,
elles sont produites dans de nombreux organes et ont une activité apocrine.
Les utérotoniques sont les prostaglandines E2 et F2 (PGE2 et PGF2).
Elles jouent un rôle important dans la contraction utérine et sont synthétisées en excès en fin de grossesse, participant au déclenchement du travail [34].
Le sulprostone, analogue de synthèse de la PGE2, est devenu le traitement de référence de l’atonie utérine résistant à l’ocytocine [35]. Il doit être administré précocement, si possible dans les 30 premières minutes [12]. Une première ampoule (500 μg) est administrée en 1 heure par une seringue électrique, tout en poursuivant le massage utérin.
L’effet doit apparaître très rapidement, au bout de quelques minutes d’administration.En cas d’efficacité, le relais est pris par une ampoule en 4 à 6 heures à la seringue électrique parfois suivie d’une ampoule en 12 heures. En cas d’échec, d’autres thérapeutiques décrites plus loin doivent être envisagées. L’arrêt du sulprostone, dont la demi-vie est de 8 à 12 minutes, doit avoir lieu en salle de travail, en salle de réveil ou en réanimation afin d’effectuer un relais par de l’ocytocine et vérifier l’absence de récidive. Sur le plan hémodynamique, la PGE2 est vasodilatatrice [36, 37]. Elle déclenche fréquemment une hyperthermie pouvant poser de réels problèmes diagnostiques avec un sepsis [38].
Certaines observations ont cependant fait état de réponses
hémodynamiques paradoxales,
à type d’hypertension artérielle sévère avec vasoconstriction, imposant la prudence chez les patientes toxémiques [39].
Les injections intraveineuses directes rapides et intramurales sont déconseillées [12] : plusieurs cas d’infarctus avec spasme coronaire, voire d’arrêt circulatoire attribués au Nalador® ont été publiés [40, 41].Ces observations posent le problème de l’utilisation de ce puissant utérotonique chez les patientes présentant des facteurs de risques vasculaires ou quand la perfusion coronaire est menacée [42].
Dans notre expérience,
nous avons observé plusieurs cas d’ischémies myocardiques aiguës sévèresavec retentissement hémodynamique et/ou troubles du rythme, ce qui justifie la réalisation d’un ECG 12 dérivations à l’admission puis tous les jours ainsi que la surveillance régulière de la troponine I pendant toute la phase aiguë. L’étude des dossiers de 55 patientes consécutives, admises sur 18 mois avec des critères de choc hémorragique, a retrouvé une élévation de la troponine I dans plus de 50 % des cas. Ce mouvement enzymatique était associé à des signes électriques d’ischémie. L’analyse multivariée ne retrouve pas le sulprostone comme facteur indépendant. En revanche, la pression artérielle diastolique inférieure à 50 mmHg et la fréquence cardiaque au-dessus de 110 b min–1, deux paramètres de la balance d’oxygénation myocardique, sont des facteurs prédictifs. Une patiente présentant une pression artérielle diastolique endessous de 50 mmHg et une fréquence cardiaque supérieure à 110 min–1 a une troponine I élevée dans 78 % des cas [32].
Néanmoins,la description, dans la littérature, d’épisodes cliniques et électriques d’ischémie myocardique, lors d’administration de Nalador®, en dehors de toute instabilité hémodynamique (pour interruption de grossesse ou mort foetale in utero) incite à rester vigilant [43].
En cas d’arrêt circulatoire, quelle qu’en soit la cause (spasme, anémie ou hypovolémie) survenant sous sulprostone, l’adrénaline, coronarodilatateur, reste le médicament vasopresseur de choix. Enfin, l’asthme n’est pas une contre-indication à son utilisation dans le cadre d’une HPP, le sulprostone étant intrinsèquement bronchodilatateur [44].
Prostaglandine E1 (misoprostol, Cytotec®)
Elle est proposée en intrarectal (3 à 5 comprimés) dans le traitement de l’atonie utérine [45]. Le misoprostol a un certain nombre d’avantages théoriques par rapport au sulprostone.Tout d’abord, les effets secondaires cardiovasculaires du Nalador® et du Méthergin® n’ont pas été rapportés avec ce produit.De plus, son administration en intrarectal est simple, sans recours à une perfusion continue. Cependant, la variabilité des résultats publiés et une pharmacocinétique moins prévisible par cette voie lui font préférer le sulprostone [46, 47]. Enfin, pour certains, l’administration de misoprostol, en faisant retarder l’introduction du sulprostone est une perte de temps et de chance. Son utilisation n’est donc pas préconisée par la recommandation pour la pratique clinique (RPC) française [6].
Maléate de méthylergométrine (Méthergin®)
C’est un dérivé de l’ergot de seigle. Vasoconstricteur,
la gravité de ses effets secondaires (nécrose myocardique) et son mode d’administration peu maniable ont conduit à son abandon.