Transfusion autologue

Ce terme concerne trois types de techniques :
– la TAD, dont le bénéfice attendu tient à la quantité de GR que le patient est capable de régénérer entre le premier prélèvement et l’intervention chirurgicale ;
– l’HDNV préopératoire, dont le bénéfice attendu est une diminution de la quantité de GR perdus dans le champ opératoire. Accessoirement, on attend de la retransfusion du sang frais une amélioration de l’hémostase postopératoire, qui n’a jamais été véritablement démontrée ;
– la récupération périopératoire, dont le bénéfice attendu tient à la quantité de GR qu’il est possible de récupérer sans hémolyse et de réinjecter au patient.
Transfusion autologue différée
Quand la probabilité d’avoir à transfuser un patient lors d’une intervention chirurgicale programmée est assez grande, et si certaines conditions sont réunies, le prélèvement d’une ou plusieurs unités de sang, dans les 5 semaines qui précèdent l’intervention, permet d’éviter des transfusions homologues. Actuellement, la TAD apparaît, de ce point de vue, comme la plus efficace des techniques de transfusion autologue. Le sang prélevé peut se conserver 6 semaines, mais il faut prévoir la possibilité de transfuser ce sang en période postopératoire. Les modalités de prélèvement, de conservation et de distribution des produits de la TAD, sont encadrées en France par la circulaire DGS/DH/AFS du 31 janvier 1997 [46].
Quand peut-on envisager une transfusion autologue différée ?
Les avis sur ce sujet divergent quelque peu. Il est néanmoins raisonnable de n’envisager une TAD que lorsque la probabilité de devoir transfuser le patient est bien supérieure à 50 % [185]. Aux États-Unis, la probabilité de transfuser, et le nombre de CGR à commander pour chaque type d’intervention, se réfèrent à des listes nationales, établies le plus souvent par des sociétés savantes : les maximum blood ordering schedules (MBOS). En France, la conférence de consensus SFAR-ANDEM [167] recommande au contraire à chaque équipe d’analyser sa pratique transfusionnelle pour chaque type d’intervention réglée, et de n’envisager d’inscrire un patient sur un programme de TAD qu’en fonction de cette analyse et des caractéristiques du patient. Il faut se rappeler qu’un patient de 70 kg dont l’Ht est à 40 % avant l’opération, aura, sans avoir été transfusé, un Ht à 30 % 2 ou 3 jours après son intervention, si les pertes sanguines périopératoires ont été de 1 400 mL.
Si ce patient est en bonne santé, il n’est donc raisonnable de n’envisager uneTADque si la perte sanguine totale prévisible est supérieure à 1 500- 2 000 mL. Dans l’hypothèse d’un saignement de 2 000 mL, et en l’absence de transfusion, l’Ht serait à 27 % après l’intervention, ce qui est tout à fait acceptable. En revanche, pour une femme de 50 kg ayant le même Ht initial, on envisagera une TAD si le saignement prévisible est de l’ordre de 1 300 mL.
En pratique, les interventions chez l’adulte qui se prêtent le mieux à la TAD sont des interventions orthopédiques à type d’arthroplasties de hanche et de genou, ou de chirurgie complexe du rachis. La TAD est pratiquée en chirurgie cardiovasculaire, mais les délais plus courts pour l’intervention et le terrain constituent un obstacle certain à cette technique.
Elle est encore proposée pour certaines interventions neurochirurgicales, pour résection hépatique ou prostatectomie radicale.
Chez l’enfant, toutes les interventions hémorragiques de chirurgie réglée peuvent donner lieu à une TAD, mais on évoque principalement la chirurgie du rachis et la réparation de cardiopathies congénitales non cyanogènes.
Physiopathologie et technique de prélèvement
Le bénéfice premier que l’on attend de la TAD est directement dépendant de la quantité deGRque l’organisme est capable de régénérer en remplacement des GR prélevés. L’idéal serait, qu’au moment de l’intervention, l’Ht soit remonté au niveau qui était le sien avant le premier prélèvement. Le bénéfice de la TAD serait alors égal au volume deGRprélevé. En fait, il a été remarqué depuis longtemps qu’au décours des prélèvements initiaux, l’Ht s’abaisse progressivement, mais qu’à partir du troisième prélèvement, l’Ht tend à se stabiliser autour de 36- 38 %avant chaque prélèvement. Ceci laisse donc à penser qu’à partir du deuxième prélèvement, la production de GR s’accélère et tend, peu à peu, à compenser, entre deux prélèvements, le volume prélevé. Ceci a été objectivement corroboré par des travaux assez récents [72, 119].
Les mécanismes de cette compensation, mis en jeu lors de prélèvements itératifs et rapprochés, sont maintenant bien connus. Le premier prélèvement de 450 mL de sang (180-200 mL de GR) a un faible effet de stimulation de la sécrétion de l’EPO endogène. Chez l’adulte âgé, l’augmentation de la concentration sérique d’EPO n’est pas toujours significative [102] ou, si elle l’est, les valeurs des concentrations moyennes observées restent dans les limites des valeurs normales [119].
L’augmentation de la sécrétion d’EPO semble plus franche chez les adolescents [80]. Néanmoins, chez chaque patient, après le premier prélèvement, une augmentation de la concentration sérique d’EPO est souvent observable dès la fin du prélèvement. Maximale le lendemain,elle s’atténue rapidement dans les jours qui suivent.
Après le deuxième prélèvement, l’augmentation de la concentration sérique d’EPO est constamment significative, et nettement au-delà des limites supérieures de normalité [119]. À partir du troisième prélèvement, le pic de concentration est élevé et prolongé. Après ce prélèvement, la concentration sérique résiduelle de l’EPO endogène peut être deux fois et demie plus élevée qu’avant le premier prélèvement [80]. Cette sécrétion accrue de l’EPO conduit à une accélération retardée de la production de GR et d’Hb. On sait, en effet, que le principal point d’impact de l’EPO est représenté par les précurseurs érythroïdes médullaires, et plus particulièrement les colony forming unit erythroid E (CFU E). Comme il faut quelques jours pour passer du stade de CFU E au stade d’érythroblaste mature, on comprend bien que l’effet de cette hypersécrétion d’EPO, en termes d’augmentation du nombre de GR circulants, ne s’observe pas avant 5 jours [112]. Lors d’un programme de plusieurs prélèvements de 200 mLde GR, réalisés une fois par semaine, on observe au terme de la première semaine une régénération de 70 mL de GR. Cette régénération atteint 100 mL durant la quatrième semaine.
La production deGRaugmente de façon exponentielle avec le temps [72].
Finalement, après trois prélèvements de 200 mL de GR (Ht = 100 %) réalisés en 3 semaines, la reconstitution du volume des GR atteint 350 mLà la fin de la troisième semaine [99], et environ 450 mLà la fin de la quatrième semaine, soit environ l’équivalent de deux poches et demie de sang homologue. C’est en cela que réside le bénéfice de la TAD pour l’épargne de sang homologue.
La connaissance de ces processus a plusieurs implications pratiques :
– il n’y a qu’un intérêt très faible à effectuer un prélèvement en vue d’une TAD moins de 8 jours avant une intervention, car ce prélèvement n’est que très partiellement compensé. Un prélèvement, par aphérèse, de 400 mLdeGRdans les 72 heures qui précèdent une intervention, peut être considéré comme un geste sans intérêt notable (cf infra) ;
– en revanche, il y a un intérêt certain à commencer les prélèvements le plus longtemps possible avant l’intervention (jusqu’à 5 semaines). Il y a aussi intérêt à effectuer les prélèvements initiaux de façon rapprochée (tous les 3 ou 4 jours), suivant la technique « agressive » préconisée par Goodnough [72] ;
– c’est dans cette optique que Rosencher et al [159] ont proposé pour la TADla technique des prélèvements deGRpar aphérèse. Le sang prélevé au patient est traité de façon discontinue dans un séparateur de cellules qui permet de conserver les GR et de réinjecter au patient le plasma et le buffy coat.
Quand on prélève ainsi 350 mL de GR (Ht = 100 %), la diminution du volume circulant est la même que lors d’un prélèvement unique en poche qui ne procure que 180 mL de GR. Si, au cours de la séance d’aphérèse, on injecte une solution de remplissage, on peut prélever, avec une très bonne tolérance hémodynamique, jusqu’à 500 mLde GR (Ht = 100 %) en une seule fois (si l’Ht initial le permet).
Dans une remarquable étude randomisée et en double aveugle, Smith et al [175] ont observé ce qui se passe durant les 14 jours qui suivent des prélèvements de GR par aphérèse, soit de 0 mL (prélèvement simulé), soit de 200 mL, soit de 400 mL. Après le prélèvement par aphérèse de 400 mL de GR, la sécrétion d’EPO endogène est d’emblée importante, alors que ce n’est pas le cas si l’on n’en prélève que 200 mL.Au bout de 2 semaines, la production deGRa été respectivement de 75 mL, 256 mL et 309 mL, et celle d’Hb de 24 g, 73 g et de 93 g. Un autre avantage théorique du prélèvement d’emblée « massif » par aphérèse est que, 2 jours après le prélèvement de 400 mL, on note une augmentation significative du 2,3-DPG intraérythrocytaire, que l’on n’observe pasaprès le prélèvement standard de 200 mL. Dans le travail de Rosencher et al [159] comparant la technique « classique » de trois prélèvements en 3 semaines à celle d’un prélèvement unique par aphérèse de près de 500 mLde GR, la quantité de GR reconstituée au bout de 25 jours a été, avec la technique classique, de 54 %de la quantité prélevée, contre 64 % avec la technique par aphérèse ;
– la troisième conséquence physiopathologique des prélèvements pour TAD est que la reconstitution postopératoire des GR circulants est nettement plus rapide quand il y a eu un programme de prélèvements pour TAD. Dans ce cas en effet, du fait de la stimulation de l’érythropoïèse par les prélèvements, la reconstitution commence dès lafin de l’intervention. En revanche, elle n’est objectivable qu’à partir du cinquième jour postopératoire, quand il n’y a pas de programme de TAD [113].
Quelques problèmes techniques particuliers
Chez les enfants, les principaux obstacles aux prélèvements de la TAD sont la crainte et l’agitation, la petite taille des veines où il peut être difficile d’introduire une aiguille d’au moins 17 G, le plus petit volume prélevable en valeur absolue, et la supplémentation en fer. Pour toutes ces raisons, il est difficile d’envisager uneTADchez les enfants de moins de 15 à 20 kg [46]. Conformément aux principaux standards, il est recommandé de ne pas prélever plus de 12 mL/kg. Il est aussi recommandé par l’agence française du sang de compenser le prélèvement avec une solution de sérum salé quand il atteint ou dépasse 10 mL/kg.
Le sang prélevé est préparé en CGR et en plasma frais congelé (PFC).
Sur solution SAG-M, les CGR peuvent être conservés pendant 42 jours.Dans certaines situations immunohématologiques très rares, telles des poly-immunisations complexes ou la présence d’antigènes publics, il est théoriquement possible d’envisager des prélèvements plus de 6 semaines avant la date prévue pour l’intervention et de conserver les CGR par congélation.
D’une manière générale, les conditions de prélèvement, de stockage et de distribution des CGR autologues font l’objet de procédures et de circuits différents de ceux des produits homologues. Le stockage de ces produits, au niveau du bloc opératoire, en attendant l’heure de l’intervention, doit se faire dans des réfrigérateurs distincts de ceux qui sont utilisés pour le sang homologue [46].
Le contrôle ultime, en salle d’opération ou au lit du patient, est recommandé. Des erreurs d’attribution des produits de TAD ont été observées, avec une fréquence allant de 1/30 000 patients [123] à 1/45 000 [117].
Apport de fer
Une des conséquences des prélèvements pour TAD et de l’accélération de l’érythropoïèse qu’ils entraînent, est une déplétion des réserves de fer.
Chaque prélèvement de 200 mL de GR contient 200 mg de fer. D’autre part, chez un adulte, il faut 150 mg de Fe++ pour permettre à la concentration d’Hb d’augmenter de 1 g/dL (ou à l’Ht d’augmenter de 3 %).
Pour mettre ces chiffres en perspective, nous rappellerons que l’absorption quotidienne usuelle de fer est de l’ordre de 1 mg pour des ingesta de 10 à 20 mg. Dans ces conditions, il n’est donc pas étonnant d’observer, au décours des prélèvements pour TAD, chez des patients non carencés en fer, une baisse de plus de 50 % de la concentration plasmatique de la ferritine et de la saturation de la transferrine. On observe aussi une majoration du pourcentage des hématies hypochromes qui témoigne d’une carence martiale « fonctionnelle » [18, 80].
Cette carence est dite « fonctionnelle », car chez plus de 75 %des patients, les réserves mobilisables de fer sont nettement supérieures aux quantités nécessaires dans le cadre d’un programme de TAD [80].C’est la raison pour laquelle on a pu montrer que, dans le cadre d’un programme comportant quatre prélèvements, un apport quotidien de 105 mg de Fe++ per os, durant 4 semaines, n’a aucune influence sur l’érythropoïèse par rapport à l’apport d’un placebo [18]. Cet apport limite simplement la décroissance de la concentration de la ferritine. Dans ces conditions de TAD, si l’on voulait maintenir les réserves de fer, il faudrait que le patient absorbe 800 mgde Fe++ . Cela impliquerait de lui en faire ingérer, per os, près de 10 000 mg sur 4 semaines, soit 350 mg/j, ce qui est matériellement impossible et sans intérêt. Néanmoins, comme certains patients risquent d’avoir des réserves insuffisantes au départ du programme, il n’est pas illicite de prescrire systématiquement une dose quotidienne de 180 à 200 mg de Fe++ per os, dès la consultation d’anesthésie, à raison de trois comprimés quotidiens de 200 mg de fumarate ferreux (Fumafert), ou de quatre comprimés quotidiens de sulfate ferreux associé à de l’acide folique (Tardyferon B9t). Dix à 20 % des patients supportent mal la prise orale de fer. Si nécessaire, on peut leur apporter le fer par voie veineuse, après chaque prélèvement, à raison de 0,5 mg/mL de sang total prélevé. Le saccharate de fer (Venofert) semble être le produit le mieux toléré par voie veineuse. En fait, chez les sujets non déplétés en fer, l’adjonction d’un apport de fer intraveineux n’augmente pas la quantité d’Hb régénérée [100]. Les enfants ont des réserves martiales plus basses et supportent généralement mal la prise orale de fer. Ils bénéficient donc particulièrement de la forme intraveineuse.
La prescription de fer est considérée comme indispensable si l’on souhaite accélérer et augmenter l’érythropoïèse de la TAD par l’administration concomitante de rh EPO.
Effets indésirables
Chez les sujets sains, la fréquence et la gravité de ces effets ne sont pas différentes de celles qui sont observées chez les donneurs volontaires [125]. Les réactions vasovagales sont plus fréquentes lors d’un premier prélèvement, chez les patients de moins de 17 ans et de moins de 50 kg. Elles sont moins fréquentes chez les patients de plus de 66 ans.
Ces épisodes d’hypotension et les réactions vasovagales peuvent être efficacement prévenus par l’administration simultanée de solutions salines isotoniques [142]. À côté de cela, il ne faut pas méconnaître que des épisodes d’angor, d’infarctus du myocarde, voire d’exceptionnelles crises convulsives, ont été rapportés [9]. Un suivi par enregistrement de Holter des patients programmés pour un pontage coronarien, a montré que chez ces patients, on observe significativement plus d’ischémie silencieuse et d’extrasystoles ventriculaires durant les 24 heures qui suivent le prélèvement que durant les 24 heures qui le précèdent. Quarante pour cent des événements sont observés pendant le prélèvement ou le trajet [205]. Sept fois sur 10 000, il peut se produire un incident nécessitant une intervention médicale. [185]. Un travail récent fait état d’une réaction sévère pour 17 000 prélèvements [146]. Une réaction sévère est une réaction nécessitant une hospitalisation. Pour Goodnough [67], la TAD s’accompagnerait d’une mortalité de 6/100 000. Ces données sont à mettre en parallèle avec l’importance du risque lié à la transfusion homologue qui peut être responsable d’un accident mortel pour 101 000 patients transfusés [19].
Contre-indications
Contre-indications médicales
– Il n’y a pas de contre-indications liées à l’âge en soi. Des patients en bonne santé, qui ont plus de 75 ans, peuvent tout à fait être inscrits sur un programme de TAD. Cela ne veut pas dire pour autant que cela soit médicalement justifié !Àl’inverse, seuls des centres de prélèvement très habitués peuvent prendre en charge des enfants de moins de 15-20 kg.
– La grossesse n’est pas une contre-indication à la TAD.
Plusieurs études ont montré la bonne tolérance de la TADchez la femme enceinte, à condition toutefois que le prélèvement soit réalisé en décubitus latéral gauche, afin d’éviter un syndrome cave [88]. Il a été recommandé de surveiller le rythme foetal lors du prélèvement, sans que cette pratiqueait jamais été scientifiquement justifiée. L’un des problèmes rencontrés tient au fait que la femme enceinte apparaît presque toujours anémiée. Il s’agit le plus souvent d’une anémie relative par dilution, mais assez souvent, il existe une diminution du volume globulaire, en rapport avec une carence martiale qu’il ne faut pas omettre de corriger. En fait, les besoins de transfusion sont très rares lors de l’accouchement et ne sont pas toujours prévisibles, notamment en ce qui concerne le volume de sang nécessaire, et il n’y a aucun sens à mettre systématiquement en oeuvre une TAD dont on se passe dans 99 % des cas, et qui est pratiquement toujours insuffisante quand une transfusion s’impose.
Les seules indications de la TAD chez la femme enceinte sont les anomalies majeures d’insertion du placenta ou l’existence de situations immunohématologiques complexes, susceptibles de rendre très difficile l’attribution de sang homologue compatible. C’est dans certaines de ces très rares situations, que le prélèvement peut être envisagé plus de 42 jours avant la date prévue de l’accouchement, et les concentrés globulaires sont alors conservés par congélation. En revanche, il est prudent d’éviter les prélèvements de TADdans des situations où le débit placentaire pourrait être compromis : foetus hypotrophique, parturiente souffrant d’un diabète sévère, hypertension, état prééclamptique.
– Cardiopathies : l’existence d’une cardiopathie bien contrôlée, coronarienne ou valvulaire, ne constitue pas une contre-indication à la TAD.
Il en va de même pour certaines cardiopathies congénitales non cyanogènes et relativement bien supportées. Toutefois, dans ces situations, il est souvent conseillé d’améliorer la tolérance du prélèvement par la perfusion d’une solution salée isotonique. En revanche, un infarctus du myocarde de moins de 6 mois, une sténose aortique serrée, un angor ou une hypertension artérielle sévère, non contrôlés par le traitement médical, sont considérés comme des contreindications à l’inscription sur un programme de TAD.
– Il est fortement déconseillé de réaliser des prélèvements pour TAD chez des patients qui ont des antécédents épileptiques ou de pertes de connaissance, notamment lors d’un premier prélèvement.
– Une contre-indication médicale formelle est l’existence d’une infection aiguë ou d’une situation susceptible d’entraîner une bactériémie (sondage urinaire, dispositif transcutané). L’existence d’une diarrhée récente est aussi une contre-indication formelle, mais il faut savoir que des contaminations de sang autologue par Yersinia enterocolitica ont été observées chez les patients qui n’avaient pas de diarrhée au moment du prélèvement [152].
Contre-indications réglementaires
Dans sa circulaire du 31 janvier 1997 [46], l’AFS précise que : « sont exclus des protocoles de TAD, les patients dont le résultat du dépistage d’un ou de plusieurs des marqueurs suivants est positif :
– antigène Hbs ;
– anticorps anti-VHC (virus de l’hépatite C) ;
– anticorps anti-VIH 1 et 2 (virus de l’immunodéficience humaine) ;
– anticorps anti-HTLV I et II (human T-cell lymphoma virus) ;
– anticorps anti-HBc isolé. »
La seule dérogation réglementaire à cette règle est une « situation d’impasse thérapeutique », représentée par un groupe sanguin érythrocytaire très rare, ou par certains mélanges d’anticorps irréguliers antiérythrocytaires, sans possibilité de solution thérapeutique alternative disponible dans un délai raisonnable.
Ces restrictions réglementaires à la TAD tiennent au risque de transmission virale en cas d’erreur d’attribution. Le risque d’erreur d’attribution du sang de TAD est estimé à 1/30 000 à 1/45 000 patients.
En fait, il n’y a pas de consensus sur cette attitude [50, 133], car le fait de priver un patient porteur d’un virus du bénéfice de la TAD l’expose à une transfusion homologue dont l’effet immunodépresseur est alors susceptible d’entraîner chez lui une prolifération virale. Il estéthiquement difficile d’expliquer à certains patients que leur sang est pour eux le meilleur qui soit, et de priver de ce bénéfice, d’autres patients, qui en ont peut-être le plus besoin.Toutefois, l’introduction très récente en France de la déleucocytation systématique des CGR homologues rend maintenant cette discussion pratiquement caduque.
Place, intérêt et limites de la transfusion autologue différée
Une étude réalisée aux États-Unis, en 1987, auprès de 18 hôpitaux importants, et à partir de 4 996 dossiers de patients relevant de chirurgie réglée, avait montré que la TAD était susceptible de fournir 10 % des CGR consommés [191].
Une enquête réalisée à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), en 1994, a montré que cette technique, utilisée seule ou en association à une récupération périopératoire, avait concerné 45 % des patients transfusés au cours d’une intervention chirurgicale programmée. L’étude des dossiers avait montré que la TAD aurait pu être réalisée chez 48 % des patients programmés qui ont été transfusés.
Il était ressorti de ce travail que la TAD avait procuré 17 % des CGR consommés dans le cadre de la chirurgie.
Dans cette étude, 78 % des patients qui ont bénéficié d’un programme de TAD n’ont reçu que du sang autologue. Ce chiffre est à rapprocher decelui de 80 % rapporté par Howard [94]. Pour des patients d’orthopédie [65], il a été observé une incidence de 9,5 % pour les transfusions homologues chez les patients qui étaient inscrits sur un programme de TAD, contre 27 % chez ceux qui n’avaient pu bénéficier de la TAD. De nombreux travaux ont ainsi clairement montré que le recours à la TAD est très efficace pour éviter les apports de sang homologue, que ce soit en orthopédie [65, 186], en urologie [190], ou chez l’enfant [183].
Une méta-analyse récente [59] a finalement considéré que, sur un ensemble de 61 études comparatives, on pouvait retenir six études prospectives et randomisées et neuf études de cohortes. Il est ressorti de cette méta-analyse que pour les patients inscrits sur un programme de TAD, le risque relatif d’exposition au sang homologue est de 0,17 si l’on considère les études prospectives, ou de 0,19 pour les études de cohortes.
Ceci confirme très clairement l’efficacité de cette technique, puisque les patients inscrits sur un programme de TADsont cinq fois moins exposés à recevoir du sang homologue que s’ils ne l’étaient pas. Cette étude a, d’autre part, montré que l’efficacité de la TAD ressort d’autant plus nettement qu’il s’agit de centres où le pourcentage de patients transfusés est plus grand. Enfin, il est apparu que les patients inscrits sur un programme de TAD reçoivent au total plus d’unités de GR (autologues et homologues), ce qui est tout à fait logique puisque l’Ht préopératoire de ces patients est plus bas.
La TAD coûte plus cher que la transfusion de concentrés homologues.
De ce fait, son rapport surcoût-bénéfice (en termes d’années de survie en bonne santé) est exorbitant [20, 53]. Les deux principales causes du surcoût de la TAD sont les prélèvements en excès et la tendance très nette à surtransfuser les patients inscrits sur un programme de TAD. Si l’on veut que laTADreste une technique acceptable, il est indispensable que chaque équipe surveille très attentivement sa pratique dans ce domaine. C’est à cause de ce mauvais rapport surcoût-bénéfice, qu’en 1996, le jury de la conférence de consensus d’Edinburgh [162] a finalement conclu, avec de grandes réticences : « Nous pensons que cette pratique peut se développer au Royaume-Uni, si des ressources appropriées sont dégagées. » Il est clair que, compte tenu du niveau de sécurité remarquable où sont arrivés les produits homologues, et si l’on compare objectivement les risques réels des différentes techniques, la TAD n’a plus guère de place. Mais à côté du risque réel, il y a le risque vécu par les patients et les médecins, qui explique la valorisation un peu abusive qui s’attache encore à cette technique [110]. D’autre part, la TAD, qui représente actuellement 5,6 % de la collecte, constitue un appoint important dont il ne serait peut être pas prudent de se passer, si les mesures prises par les pouvoirs publics continuent à rendre l’approvisionnement en sang homologue de plus en plus difficile.
En résumé
LaTADest une technique autologue efficace et séduisante.Toutefois, sa mise en oeuvre est relativement lourde et implique une logistique adaptéeet des conditions de proximité qui ne sont pas toujours remplies. On peut penser que la possibilité de pouvoir réduire le nombre de prélèvements grâce à un prélèvement unique des érythrocytes, par aphérèse, pourra résoudre certains de ces problèmes. Néanmoins, la TAD n’est pas exempte de risques et est onéreuse. C’est pourquoi il n’y a pas actuellement de véritable consensus pour encourager son développement [38]. En toute logique médicale, il faudrait réserver la TAD à des patients en bonne santé, ayant une espérance de vie d’au moins 10 ans [4], et devant subir une intervention assez hémorragique pour justifier une transfusion dans nettement plus de 50 % des cas.