Troubles acidobasiques respiratoires simples

Acidose respiratoire
L’acidose respiratoire se définit comme une augmentation primitive de la PaCO2 par hypoventilation alvéolaire responsable d’une baisse du pH. Cette baisse du pH est plus ou moins importante, fonction de l’augmentation des bicarbonates secondaire à la réponse rénale (Tableau 2).
Physiopathologie [3, 111, 114-116]
L’hypercapnie, toujours secondaire à une hypoventilation alvéolaire, s’associe pratiquement toujours à une hypoxémie plus précoce et plus importante du fait de la grande diffusibilité du CO2 à travers la membrane alvéolocapillaire. L’acidose respiratoire aiguë, contrairement à l’acidose métabolique, ne dispose pas de phénomène de compensation à effet rapide car l’adaptation rénale est longue à mettre en route et les tampons intracellulaires restent les seuls moyens de protection. Ainsi, dans l’acidose respiratoire aiguë, pour toute augmentation de la PaCO2 de 10 mmHg, se produit une augmentation concomitante de HCO3
– plasmatique de seulement 1 mmol l-1. Dans l’acidose respiratoire chronique, la réponse rénale à l’hypercapnie a eu le temps d’arriver à son maximum : toute augmentation
de PaCO2 de 10 mmHg s’accompagne d’une élévation d’HCO3
– de 3,5 mmol l–1. Dans ce cas, il existe une alcalose métabolique de compensation induite par une chlorurèse avec hypochlorémie, augmentation du SID et une alcalose de contraction.
Signes cliniques [111, 114-116]
• L’hypercapnie aiguë entraîne une hypertension artérielle périphérique avec augmentation du débit cardiaque et du débit sanguin cérébral.
L’acidose respiratoire aiguë s’accompagne d’une hypersécrétion de catécholamines, de glucocorticoïdes, de rénine, d’aldostérone et d’antidiuretic hormone (ADH) plasmatiques avec rétention hydrosodée.
Plus l’hypercapnie est d’installation rapide, plus les signes neurologiques centraux sont importants : nausées, vomissements, céphalées, flapping tremor, voire astérixis, agitation, confusion, obnubilation, coma, crises comitiales…
• L’hypercapnie chronique s’accompagne des signes du coeur pulmonaire chronique avec hypertension artérielle pulmonaire.
Les troubles du rythme ventriculaire et supraventriculaire sont plus liés à l’hypoxie et aux troubles ioniques associés qu’à une myocardiopathie. Sauf aggravation aiguë, l’acidose respiratoire chronique entraîne peu de troubles neurologiques centraux.
Signes biologiques
L’hypercapnie est responsable de la baisse du pH. La réponse métabolique est variable en fonction du caractère aigu ou chronique de cette hypercapnie (Tableau 2). L’hypoxémie est en rapport avec l’hypoventilation alvéolaire. Dans l’acidose respiratoire aiguë, il n’existe pas de modification des concentrations en Na+, K+ et du TA, sauf en cas de trouble surajouté en particulier une acidose métabolique. Dans l’acidose respiratoire
chronique, les concentrations de Na+, K+ et le TA sont normaux : l’augmentation de HCO3
– est contrebalancée par une baisse identique de Cl– (D HCO3 – = D Cl-).
Diagnostic étiologique [114, 115]
• Acidoses respiratoires aiguës (Tableau 7) : les causes les plus souvent rencontrées en anesthésie-réanimation sont la décompensation d’une atteinte pulmonaire antérieure, une obstruction des voies aériennes ou un bronchospasme sévère.
L’oedème pulmonaire n’entraîne une acidose respiratoire aiguë qu’à un stade très évolué. En peranesthésique, une acidose respiratoire est possible lors d’une ventilation/min
insuffisante, d’une obstruction des voies aériennes, d’un pneumothorax ou d’une anomalie dans le circuit machine.
Une mention particulière doit être faite pour l’hypercapnie permissive observée et respectée lors de la prise en charge de certains syndromes de détresse respiratoire aiguë (SDRA), et qui n’entraîne pas d’effet délétère tant qu’elle ne dépasse pas un niveau de PaCO2 de 60 mmHg [18, 114, 116].
• Acidoses respiratoires chroniques (Tableau 7) : elles se voient essentiellement chez les patients porteurs de maladies pulmonaires obstructives ou plus rarement restrictives. En pratique, il est parfois difficile de faire la part entre acidose respiratoire aiguë ou chronique. Seule l’histoire clinique permet d’avancer dans le diagnostic.
Traitement
C’est la correction de l’hypercapnie, c’est-à-dire l’augmentation de la ventilation alvéolaire.
Le traitement est avant tout étiologique : désobstruction, drainage, élimination des drogues dépressives. L’hypercapnie nécessite une ventilation alvéolaire
adaptée qui peut être obtenue par le contrôle de la maladie causale et/ou la ventilation artificielle. Il est important de ne pas normaliser trop brutalement la PaCO2. Le risque est cardiovasculaire (collapsus de reventilation) et neurologique avec évolution possible vers le coma. La prescription d’inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (acétazolamide) peut permettre de réduire la concentration plasmatique et cérébrale en HCO3 -,
d’améliorer la ventilation alvéolaire et de diminuer la PaCO2, et donc de préparer le sevrage.
Alcalose respiratoire (AlcR)
Elle se définit comme une baisse primitive de la PaCO2 (par augmentation de la ventilation alvéolaire), responsable d’une élévation du pH artériel au-dessus de 7,45. La réponse métabolique est une baisse d’intensité variable du taux plasmatique des bicarbonates.
Physiopathologie [3, 114-116]
La diminution du taux plasmatique des bicarbonates se fait en deux étapes : une étape rapide par les tampons cellulaires et une étape lente par diminution de l’excrétion rénale des ions H+. Dès l’installation de l’AlcR aiguë, les ions H+ migrent des cellules vers le milieu extracellulaire où ils se combinent avec les ions HCO3
-, d’où la baisse des bicarbonates plasmatiques. La persistance de l’hypocapnie entraîne en 48 à 72 heures une augmentation des pertes urinaires de HCO3
– et une diminution de l’excrétion urinaire d’ammonium, à l’origine d’une augmentation de la rétention extracellulaire d’ions H+.
Signes cliniques [3, 114-116]
L’AlcR aiguë se manifeste par des signes neurologiques à type de céphalées, confusion mentale, voire crises comitiales, en rapport avec une baisse du flux sanguin cérébral [116]. Il existe donc une baisse des pressions intracrânienne et intraoculaire.
D’autres manifestations neurologiques sont possibles (fourmillements des extrémités, signe de Chvostek…) en rapport avec les perturbations biologiques associées : baisse de la fraction ionisée du calcium, hypophosphorémie… Chez les patients sous anesthésie générale et en ventilation artificielle, l’hypocapnie aiguë entraîne une baisse du débit cardiaque et de la pression artérielle systémique malgré une augmentation des résistances périphériques. Les AlcR chroniques sont le plus souvent asymptomatiques, les perturbations initiales rentrant progressivement dans l’ordre au bout de quelques jours à quelques semaines.
Signes biologiques [114-116]
A la baisse de la PaCO2, responsable d’une augmentation du pH, s’associe une diminution des bicarbonates d’intensité
variable. Dans les AlcR aiguës, toute diminution de la PaCO2 de 10 mmHg entraîne une diminution de HCO3
– d’environ 2 mmol l–1 (Tableau 2). La chlorémie est élevée. La kaliémie est normale ou le plus souvent diminuée. Enfin, une hypophosphorémie est décrite lors d’AlcR majeures par transfert de phosphates inorganiques vers les cellules. Une augmentation du lactate est classique, responsable d’une faible augmentation du TA [112]. À la phase initiale de la constitution de l’hypocapnie, le pH urinaire est le plus souvent > 7. Dans l’hypocapnie en phase stable, le pH urinaire est en général ≤ 6.
Étiologie (Tableau 7) [112, 115-117]
En anesthésie-réanimation, les causes les plus fréquentes d’AlcR sont l’hyperventilation iatrogène en particulier peropératoire, l’hypoxie et les oedèmes cérébraux.
Traitement [3, 112, 115-117]
Il est rare qu’une AlcR nécessite un traitement. L’augmentation de l’espace mort ou la diminution de la ventilation/min chez les patients intubés et ventilés restent les moyens thérapeutiques essentiels, après avoir éliminé une hypocapnie symptomatique d’une hypoxémie dont le traitement passe alors par l’oxygénothérapie.